3 juil. 2012

American Beauty

American Beauty

Sam Mendes
1999

Film : Américain
Genre : Drame américain dans sa splendeur banale
Avec : Kevin Spacey, Thora Birch





Synopsis

Lester se réveille sur une autre jour de sa vie apathique, coincée entre un boulot ennuyeux à mourir pour ne pas soulever son caractère relativement inutile, et sa morne vie de famille qui, bien cachée sous une façade de banalité joyeuse est en réalité tout aussi ennuyeuse et inutile car sa place n'est pas celle d'un gagnant de la tombola de la vie. Mais Lester rencontre Angela, l'amie de sa fille Jane, qui redonne naissance à sa vie d'une manière qu'il croyait perdue depuis une vingtaine d'années.

Avis

Si on peut dire ce qu'on veut sur la cérémonie des Oscars, il y a des crus qui ne mentent pas. On remarque parfois que la postérité ne retient pas les films primés, trop ancrés dans un état d'esprit pour être intemporels. Mais certains savent tirer de cette mortalité l'essence qui les fait entrer dans la légende.

American Beauty, sur de nombreux niveaux est un film typique d'une époque, et d'un romantisme mélancolique qui a donné d'autres chefs d'oeuvres comme Requiem for a Dream la même année ou American History X. On y retrouve cette fresque d'une Amérique des classes moyennes qui cache ses irrégularité par une façade de normalité difforme jusqu'à ce que celle ci devienne grotesque, un peu à la manière de ces "family portraits" montrant l'époux régalien la femme dévouée et les enfants souriants sur fond uni.

Mendes va en réalité mettre chacun de ses personnages sur deux pieds d'égalité face à face, l'un "normal" et obligatoirement faux, et l'autre "freak", comme deux faces d'un miroir l'une bien propre sur elle, l'autre déformée, mais qui démontre bien que chaque être humain est anormal et unique à sa façon, et c'est là la beauté évoquée du titre du film, à la manière dont Angela, si effrayée par la normalité se veut splendide et extraordinaire.

Bien sûr, en toile de fond il y a cette critique acerbe de la société de la perfection à l'Américaine, incarnée de fort belle manière par le monde de l'immobilier dans lequel exerce la femme de Lester, Carolyn, et le plus emblématique de ses représentants, Buddy Kane qui admet ouvertement que pour draguer le succès il faut en renvoyer une image de réussite au préalable. Toute l'ironie et le cercle vicieux ce monde éléphantesque dans les cercles aisés de la banlieue américaine. Il fallait bien dépeindre le quotidien de ces bourgades tranquilles avant les Desperate Housewives.

Le personnage de Lester, au centre de l'histoire nous accompagne dans sa transition entre le paraitre et l'être, nous donnant au passage l'occasion de réaliser à quel point l'hypocrisie latente de son univers et sa futilité le menace, mais il nous rassure dès les premiers instants, le film se ponctuera par sa mort. Il nous le rappelle également avant le dernier acte, des fois qu'on ai oublié au cours du film son funeste destin, et qu'on ne soit ainsi pas surpris. Lester est un homme prévenant, n'est ce pas? Mais à la manière de la physionomie toute entière du film, la fin pouvant s’apparenter en en final tragique revêt dans son miroir déformant un caractère "happy", qui résume amplement toute la substance et l'intérêt de la double lecture du long métrage.

La facilité qu'a le réalisateur à faire passer son propos est sûrement imputable à la remarquable écriture du film qui ne se permet pas de fausse note, gardant toutes les informations à notre niveau, sans pour autant négliger la narration de l'histoire quotidienne et le ressenti de chacun des personnages, mais c'est aussi particulièrement grâce à l'aisance esthétique dont il fait preuve.

Couleurs de printemps et d'automne tout à la fois, le film semble s'étirer sur une longue mi-saison offrant une banalité graphique qui elle aussi se détache en détails d'une extrême beauté, représentée par le rouge vif, de la porte, des roses, des lèvres d'Angela... Ce code couleur pour représenter la beauté nichée dans un cocon de banalité douce amer comme une fraiche nuit de printemps sublime chaque plan du film même lorsqu'il n'est pas présent.

Le décor ainsi planté, les acteurs s'en donnent à coeur joie (plus au sens figuré néanmoins) car il ne leur reste plus qu'à faire de leur mieux pour convaincre de leur ambivalence et de leur beauté inexprimée. En cela, la quasi totalité du casting réussi haut la main, portés dans leur étrangeté par la puissance de l'ironie du choix des thèmes musicaux, dernier gros point fort du film.

Ainsi, se dotant de tous les atouts nécessaires à la réalisation d'un grand film, Sam Mendes signe son "Fight Club" avec brio, et ancre American Beauty dans le Panthéon des réussites à l'ambiance inimitable qui dégagent un parfum de nostalgie mélancolique.





Notation

Réalisation : 9/10

Tout en justesse et en maitrise, sans effets grandiloquents, avec un peu d'imagination, et de recherche de la beauté, Sam Mendes parvient à réaliser un film d'un grand esthétisme sans longueur malgré la fresque sociale qu'il dépeint, et ce pour un premier film. Congratulations. 

Son : 9/10

La bande son qui rappelle un peu les mélodies des Sims semble souligner la normalité des protagoniste, mais elle se révèle très touchante et juste pour la musique originale, autant que pour les morceaux emblématiques de chaque personnage ou le générique de fin. C'est juste super agréable à écouter.

Scénario :  9/10

Qualité d'écriture, qualité de l'histoire, qualité des personnages, le tout dans les règles de l'art avec une complexité ni trop profonde ni trop légère afin que chacun puisse lire entre les lignes sans pour autant comprendre le fin mot de l'histoire dès la sixième seconde, American Beauty est un modèle du genre qui prouve que le cinéma américain ne fait pas que dans le blockbuster débile.

Interprétation : 9/10

Kevin Spacey for the win! Récompensé d'un oscar à juste titre, l'acteur Américain incarne ici l'un de ses plus beaux rôles (malgré sa très impressionnante filmographie!) dans la peau de ce type banal qui passe sa crise de la quarantaine d'une manière finalement normale, aussi absurde qu'elle puisse paraitre. Heureusement, il n'a pas à en faire trop car qu'il s'agisse d'Anette Bening, de Thora Birch de Wes Bentley ou Mena Suvari, tous les acteurs sont justes et pile à leur place.

Note générale : 9/10

Si j'étais un chouia trop jeune pour le voir à sa sortie, je me rappelle l'effet que m'a fait ce film la première fois que je l'ai vu. Une sorte de frisson glacé a parcouru mon échine sur la dernière image de la banlieue sans histoires dans laquelle se déroule le script. Sans atteindre la perfection, ce film est simplement beau, comme son nom l'indique, dans tous les sens du terme. Particulièrement équlibré (ce qui lui valu 5 Oscars et 3 autres nominations, dans des domaines très différents, aussi bien techniques que scénaristiques et d'interprétation, mais surtout le doublé meilleur film et meilleur réalisateur) American Beauty se laisse regarder aussi bien dans les froides soirées d'hiver un fond du canapé, que lorsque l'air est, comme ce soir électrique. Un film dont le mérite n'est pas volé une seule seconde.





"I don't think there's anything worse than being ordinary"