2 sept. 2012

Garden State

Garden State

Zach Braff
2004

Film : Américain
Genre : Drame emprunt du cri d'une génération
Avec : Zach Braff, Natalie Portman



  

Synopsis

La vie d'Andrew semble s'être perdue au bord de la route. A 26 ans il cherche encore à lancer sa carrière d'acteur à Hollywood, même si c'est plutôt à la télévision qu'il s'est très légèrement fait remarquer. Un coup de fil de son père le ramène néanmoins à la réalité la plus concrète un matin lorsque celui ci lui annone que sa mère vient de mourir et qu'il doit rentrer dans son New Jersey natal pour les obsèques. Abandonnant ses pilules et son quotidien impersonnel, Andrew retrouve chez lui tous ses amis de lycées presque dix ans après les avoir quitté dans les frasques de l'adolescence. Et puis, alors qu'il se rend chez le docteur il rencontre Sam, cette jeune fille si spontanée et pétillante, qui participe à redéfinir le monde tel qu'il le concevait.

Avis

Il y a beaucoup, beaucoup à dire sur Garden State. Dans un premier temps, il faut souligner l'aspect autobiographique du long métrage de Zach Braff. Écrit et réalisé par le jeune acteur, ce film reprend des éléments clés de sa vie, comme son enfance dans le New Jersey, et sa carrière à Holywood. En conséquence, ce premier film est d'ores et déjà extrêmement personnel et illustre, certes la psychologie de l'acteur-réalisateur, mais aussi une génération entière.

Avoir 26 ans. Le personnage principal et ses amis ont cet âge. L'adolescence et à fortiori l'enfance sont désormais loin, et pourtant peut on parler d'âge adulte lorsqu'on prend la vie comme un jeu, qu'on fait la fête qu'importe les circonstances ou qu'on vit encore au crochet de ses parents? La question est posée. C'est quoi d'avoir cet âge là de nos jours? C'est quoi d'être entre deux eaux, et de se dire qu'on a tous ces trucs qu'on aimerai crier sur tous les toits mais qu'on se contente de ressasser dans sa caboche? C'est d'avoir 26 ans, faire partie de cette génération qui n'a connu aucune guerre, et qui vit dans le monde complètement barré des années 2000-2010.

Andrew Largeman est en quelque sorte le héraut de cette génération. Sa caricature n'est pourtant pas si loin de la vérité. Son caractère effacé, son physique banal en font un monsieur de 26 ans tout le monde. Ses questions, ses doutes, ses certitudes, elles font partie d'un tout qui nous parle, nous la génération Y. En concentrant toutes ses émotions quasi pures dans un film indépendant qui lui tenait particulièrement à coeur, le jeune réalisateur a transcendé la parole de millions de jeunes et le film marche autant en 2003 lorsqu'il est tourné, qu'en 2012 lorsqu'on le regarde, à 26 ans.

Derrière le message générationnel et quasi autobiographique de ce film, Garden State révèle surtout un talent devant et derrière la caméra pour Zach Braff. Ayant légiféré pendant plusieurs années sur ce film, l'acteur principal de la série Scrubs cherchait à se mettre en décalage par rapport à son personnage loufoque de J.D. dans la sitcom a succès, et démontrer que sa génération, bien qu'encore jeune et inexpérimenté, avait du talent. Et c'est plutôt une réussite.

La mise en scène de Garden State trahit dans un premier temps une véritable déclaration d'amour pour sa région de naissance, le New Jersey. Puisque l’État, frontalier de celui de New York dont il est en quelque sorte la banlieue un peu trop tranquille, donne son nom au film, on pouvait se douter que sa présence dans le film se révèlerai plus qu'anecdotique, et effectivement, à travers les nombreux plans en extérieur, on remarque la joie de Zach à filmer ces alignements de lotissements, ces quartiers résidentiels paisibles et la nature verdoyante qui confère au New Jersey sa qualification d’État Jardin, qui est un peu la guest-star de ce film à la distribution tout autant bourrée de talent.

Car la chance de Zach Braff est d'avoir pu s'entourer d'acteurs de renom pour son petit film indépendant, donnant à celui-ci une dimension bien plus importante que celle qu'il escomptait, et la présence de Natalie Portman et de Ian holm, ont très certainement fortement influencé dans la distribution du film aux USA et d'autant plus à mon sens à l'étranger, sans quoi il serai surement sorti chez nous dans quelques salles intimistes fréquentées par les bobos du VIIe de Paris, et les quidams auraient raté ce grand moment de cinéma.

De même, sa bande originale d'une pureté quasiment sans égal s'offre des artistes internationaux comme Coldplay, the Shins ou Simon & Garfunkel et porte sur ses épaules un pan entier de l'ambiance du film si particulière. Car au final, tout passe par l'ambiance entre frivolité et tension dramatique, saupoudrée d'une romance ingénue très très puissante néanmoins.

Par conséquent entre émotion pure, sans non plus tirer sur la corde larmoyante et humour casuel, la vie d'Andrew a cette particularité d'être si commune et singulière à la fois, un peu à l'image de la vie du tout un chacun. En résulte un film brillamment homogène plein de tendresse et à l'ambiance si attachante. 





Notation

Réalisation : 8/10

Simple et délicate sont les qualificatifs peut être les plus appropriés à décrire à la fois l'ambiance mais aussi la qualité apportée par Zach Braff à la réalisation de ce premier film indépendant. Particulièrement efficace auprès de la génération qu'il décrit, le réalisateur livre un film beau, mais qui touche plus particulièrement ses semblables.

Son : 10/10

Soyons subjectifs! J'adore absolument la BO, et l'absence de musique originale, au lieu de pénaliser le film lui donne ce rythme si particulier qu'émaille les somptueuses chansons de la bande originale. Le reste de la bande son repose sur la qualité des dialogues et de l'interprétation.

Scénario : 9/10

Il est certes plus difficile de juger le scénario de Zach Braff que les aspects techniques, car celui ci comporte une bonne part d'autobiographie, et par ailleurs de nombreux passages du films jouent plus sur la personnalité des décors que sur l'histoire qui s'y déroule. Pourtant, les scènes clés lient l'ensemble et donnent une cohérence sans faille au long métrage. Si je regrette un chouia le montage final qui s'épargne certaines scènes à mon sens pertinentes, la possibilité de les voir sur les bonus du DVD rectifie cet aspect pour ceux qui désirent aller plus loin dans leur relation avec ce film.

Interprétation : 9/10

Zach Braff, réalisateur, auteur, acteur portait sur ce projet plusieurs casquettes. Est-ce que cela a altéré son travail de comédien? Non, au contraire il est touchant et sincère. Bien sûr il a écrit son propre rôle, et l'a basé sur de nombreux aspects de sa propre vie. Il y a plus dur comme travail sur le rôle dans ce métier. Néanmoins les émotions passent avec lui, c'est bien l'essentiel. Quant au reste du casting... Natalie Portman a l'un de ses rôles les plus réussis. Bien sûr depuis il y a eu Black Swan, mais à l'époque de la sortie du film je ne l'avais jamais vue si craquante. Et puis Ian Holm, la figure patriarcale tout en retenue et en sobriété... Non, aucun problème sur l'interprétation.

Note générale : 9/10

Dans ce genre ci, Garden State est mon film préféré. Je ne me lasse jamais de le regarder, et surtout, je lui trouve toutes les qualités d'un grand film, et pour du cinéma d'auteur, c'est vraiment impressionnant. Son casting, sa BO, la simplicité des paysages forgeant une ambiance douce et mélancolique, tout cela donne à ce film une saveur si particulière qui me parle. J'ai fêté mes 26 ans le mois dernier, et aujourd'hui, plus que jamais Garden State me parle à moi et à ceux de ma génération.







"You gotta hear this one song, it'll change your life, I swear!"

3 juil. 2012

American Beauty

American Beauty

Sam Mendes
1999

Film : Américain
Genre : Drame américain dans sa splendeur banale
Avec : Kevin Spacey, Thora Birch





Synopsis

Lester se réveille sur une autre jour de sa vie apathique, coincée entre un boulot ennuyeux à mourir pour ne pas soulever son caractère relativement inutile, et sa morne vie de famille qui, bien cachée sous une façade de banalité joyeuse est en réalité tout aussi ennuyeuse et inutile car sa place n'est pas celle d'un gagnant de la tombola de la vie. Mais Lester rencontre Angela, l'amie de sa fille Jane, qui redonne naissance à sa vie d'une manière qu'il croyait perdue depuis une vingtaine d'années.

Avis

Si on peut dire ce qu'on veut sur la cérémonie des Oscars, il y a des crus qui ne mentent pas. On remarque parfois que la postérité ne retient pas les films primés, trop ancrés dans un état d'esprit pour être intemporels. Mais certains savent tirer de cette mortalité l'essence qui les fait entrer dans la légende.

American Beauty, sur de nombreux niveaux est un film typique d'une époque, et d'un romantisme mélancolique qui a donné d'autres chefs d'oeuvres comme Requiem for a Dream la même année ou American History X. On y retrouve cette fresque d'une Amérique des classes moyennes qui cache ses irrégularité par une façade de normalité difforme jusqu'à ce que celle ci devienne grotesque, un peu à la manière de ces "family portraits" montrant l'époux régalien la femme dévouée et les enfants souriants sur fond uni.

Mendes va en réalité mettre chacun de ses personnages sur deux pieds d'égalité face à face, l'un "normal" et obligatoirement faux, et l'autre "freak", comme deux faces d'un miroir l'une bien propre sur elle, l'autre déformée, mais qui démontre bien que chaque être humain est anormal et unique à sa façon, et c'est là la beauté évoquée du titre du film, à la manière dont Angela, si effrayée par la normalité se veut splendide et extraordinaire.

Bien sûr, en toile de fond il y a cette critique acerbe de la société de la perfection à l'Américaine, incarnée de fort belle manière par le monde de l'immobilier dans lequel exerce la femme de Lester, Carolyn, et le plus emblématique de ses représentants, Buddy Kane qui admet ouvertement que pour draguer le succès il faut en renvoyer une image de réussite au préalable. Toute l'ironie et le cercle vicieux ce monde éléphantesque dans les cercles aisés de la banlieue américaine. Il fallait bien dépeindre le quotidien de ces bourgades tranquilles avant les Desperate Housewives.

Le personnage de Lester, au centre de l'histoire nous accompagne dans sa transition entre le paraitre et l'être, nous donnant au passage l'occasion de réaliser à quel point l'hypocrisie latente de son univers et sa futilité le menace, mais il nous rassure dès les premiers instants, le film se ponctuera par sa mort. Il nous le rappelle également avant le dernier acte, des fois qu'on ai oublié au cours du film son funeste destin, et qu'on ne soit ainsi pas surpris. Lester est un homme prévenant, n'est ce pas? Mais à la manière de la physionomie toute entière du film, la fin pouvant s’apparenter en en final tragique revêt dans son miroir déformant un caractère "happy", qui résume amplement toute la substance et l'intérêt de la double lecture du long métrage.

La facilité qu'a le réalisateur à faire passer son propos est sûrement imputable à la remarquable écriture du film qui ne se permet pas de fausse note, gardant toutes les informations à notre niveau, sans pour autant négliger la narration de l'histoire quotidienne et le ressenti de chacun des personnages, mais c'est aussi particulièrement grâce à l'aisance esthétique dont il fait preuve.

Couleurs de printemps et d'automne tout à la fois, le film semble s'étirer sur une longue mi-saison offrant une banalité graphique qui elle aussi se détache en détails d'une extrême beauté, représentée par le rouge vif, de la porte, des roses, des lèvres d'Angela... Ce code couleur pour représenter la beauté nichée dans un cocon de banalité douce amer comme une fraiche nuit de printemps sublime chaque plan du film même lorsqu'il n'est pas présent.

Le décor ainsi planté, les acteurs s'en donnent à coeur joie (plus au sens figuré néanmoins) car il ne leur reste plus qu'à faire de leur mieux pour convaincre de leur ambivalence et de leur beauté inexprimée. En cela, la quasi totalité du casting réussi haut la main, portés dans leur étrangeté par la puissance de l'ironie du choix des thèmes musicaux, dernier gros point fort du film.

Ainsi, se dotant de tous les atouts nécessaires à la réalisation d'un grand film, Sam Mendes signe son "Fight Club" avec brio, et ancre American Beauty dans le Panthéon des réussites à l'ambiance inimitable qui dégagent un parfum de nostalgie mélancolique.





Notation

Réalisation : 9/10

Tout en justesse et en maitrise, sans effets grandiloquents, avec un peu d'imagination, et de recherche de la beauté, Sam Mendes parvient à réaliser un film d'un grand esthétisme sans longueur malgré la fresque sociale qu'il dépeint, et ce pour un premier film. Congratulations. 

Son : 9/10

La bande son qui rappelle un peu les mélodies des Sims semble souligner la normalité des protagoniste, mais elle se révèle très touchante et juste pour la musique originale, autant que pour les morceaux emblématiques de chaque personnage ou le générique de fin. C'est juste super agréable à écouter.

Scénario :  9/10

Qualité d'écriture, qualité de l'histoire, qualité des personnages, le tout dans les règles de l'art avec une complexité ni trop profonde ni trop légère afin que chacun puisse lire entre les lignes sans pour autant comprendre le fin mot de l'histoire dès la sixième seconde, American Beauty est un modèle du genre qui prouve que le cinéma américain ne fait pas que dans le blockbuster débile.

Interprétation : 9/10

Kevin Spacey for the win! Récompensé d'un oscar à juste titre, l'acteur Américain incarne ici l'un de ses plus beaux rôles (malgré sa très impressionnante filmographie!) dans la peau de ce type banal qui passe sa crise de la quarantaine d'une manière finalement normale, aussi absurde qu'elle puisse paraitre. Heureusement, il n'a pas à en faire trop car qu'il s'agisse d'Anette Bening, de Thora Birch de Wes Bentley ou Mena Suvari, tous les acteurs sont justes et pile à leur place.

Note générale : 9/10

Si j'étais un chouia trop jeune pour le voir à sa sortie, je me rappelle l'effet que m'a fait ce film la première fois que je l'ai vu. Une sorte de frisson glacé a parcouru mon échine sur la dernière image de la banlieue sans histoires dans laquelle se déroule le script. Sans atteindre la perfection, ce film est simplement beau, comme son nom l'indique, dans tous les sens du terme. Particulièrement équlibré (ce qui lui valu 5 Oscars et 3 autres nominations, dans des domaines très différents, aussi bien techniques que scénaristiques et d'interprétation, mais surtout le doublé meilleur film et meilleur réalisateur) American Beauty se laisse regarder aussi bien dans les froides soirées d'hiver un fond du canapé, que lorsque l'air est, comme ce soir électrique. Un film dont le mérite n'est pas volé une seule seconde.





"I don't think there's anything worse than being ordinary"

8 juin 2012

300

300

Zack Snyder
2006

Film : Américain
Genre : Péplum graphique épique épique et colégram
Avec : Gerard Butler, Lena Headey



  

Synopsis

Léonidas, roi des Spartiates, puissant peuple guerrier de la Grèce antique, se retrouve confronté à un dilemme cornélien lorsqu'un émissaire de l'empereur Perse Xerxès se présente aux portes de sa cité, avec un message de paix... si le roi reconnait sa soumission au terrible souverain de toute l'Asie. Animé par la fierté guerrière qui conditionne chacun des habitants de Sparte, Léonidas refuse l'allégeance. Malheureusement les éphores, oracles influents de la Grèce antique prétendent que les dieux ne souhaitent pas la guerre. C'est donc en tant qu'homme et non en tant que Roi et Général d'armées, que Léonidas se rend aux Thermopyles, accompagné de 300 hoplites parmi les plus valeureux de tous les Spartiates, pour contenir l'invasion des centaines de milliers d'hommes et créatures que compte l'armée de Xerxès.

Avis

Avant de s'attaquer à Watchmen, Zack Snyder alors tout jeune réalisateur, avait eu un pari fou. Adapter un roman graphique de Frank Miller retraçant avec force et violence la bataille des Thermopyles et du roi Léonidas contre les armées Perses. Il faut dire que le style de Frank Miller, très particulier, et également très plébiscité dans le monde des comics avait valu un bon Sin City sur grand écran. "We have the technology" a ainsi pu affirmer Zack Snyder qui a filmé son film avec des décors quasi exclusivement composés d'effets visuel.

Le résultat est par conséquent très proche de l'idée d'un roman graphique. Y comprit dans sa narration, avec l'intervention d'un narrateur qui décrit les scènes de batailles comme celles ci défilent à l'écran, chorégraphiées au millimètre. Mais du coup on est face à un hybride. Film? Animé? Délire psychédélique? Un peu tout à la fois. Le réalisateur s'attache à retranscrire une ambiance onirique, comme un rêve, surréaliste, à l'imagine de l'incroyable récit que nous ont livré les Grecs de la vraie bataille des Thermopyles. Frank Miller s'est d'ailleurs personnellement beaucoup impliqué sur le projet, en tant que scénariste et producteur exécutif, afin que le film soit une adaptation la plus fidèle possible de son comic.

Alors autant le dire tout de suite, on aime, ou on déteste. A croire que c'est une condition sinequanone du cinéma de Zack Snyder et de ses paris audacieux. Dès les premiers instants, le ton est pompeux, l'image exagérément grise et contrastée, faisant ressortir chaque décor et effet de synthèse dans des tons pastels, obscurs et granuleux. L'histoire elle aussi, colle parfaitement à cette ambiance, pas vraiment glauque mais sauvage, violente et épique à souhaits.

La vraie force de ce film finalement c'est son aspect hors normes qui l'a automatiquement fait entrer dans la légende, avec ses répliques archi cultes comme "THIS IS SPARTAAAAAAAAA" ou "Tonight we dine in Hell!" et la dégaine hirsute de Gerard Butler, lorsqu'il crie son épée levée, qui font le bonheur de tous les amateurs de mèmes d'Internet depuis 2006. En dehors de ça, le caractère atypique de l'image a bien évidemment fait parler de lui, et c'est donc un pari réussi pour le réalisateur qui a vraiment créé un buzz incroyable autour du film au moment de sa sortie, et plusieurs années après, celui ci marche plus ou moins, ravivant les passions au gré des images ça et là sur la toile et des passages télévisés.

Reconnaissons néanmoins que le film a des arguments pour être culte. Passé la réalisation onirique, la narration épique d'une grande bataille, et les répliques cultes il reste un film bien tourné, à l'immersion immédiate, aux spectacle grandiose, rythmé par des combats chorégraphiés à la milliseconde, et à l'interprétation réussie. Le fait est, il faut aimer.





Notation
  
Réalisation : 9/10
   
Certains verront que je me suis trompé et que le 6 est à l'envers, mais non non, c'est bien un 9. Il se justifie plus par l'originalité (et la réussite de cette prise de risque) et par l'ambiance créée que par un véritable souci du détail comme dans le cinéma plus traditionnel. Ce n'est certes pas les décorateurs qui ont le plus travaillé sur ce film, et filmer quasi intégralement une pellicule sur fond uni peut paraitre étrange, mais le résultat est là. Par ailleurs le soin a été mit sur les costumes en contre-partie. Un film à part, à l'identité visuelle très forte et à l'ambiance inimitable. Sur ce plan là, 300 est vraiment beau.
   
Son : 9/10
   
Épique jusque dans sa BO, 300 offre un montage sonore presque aussi audacieux que l'image peut l'être. Cavalcades de chevaux, narrateur à la voix rauque, fracas de métal... Tout y est pour renforcer l'ambiance visuelle par une ambiance sonore réussie.
    
Scénario : 7/10
   
Le scénario n'est pas franchement fouillé, mais il joue sur l'écriture nerveuse des scènes d'actions et l'enchainement de celles ci, et surtout, surtout, il capitalise sur les répliques cultes et les phrases choc genre des phrases choc. "Madness? THIS IS SPARTA!"
   
Interprétation : 8/10
   
Gerard Butler est très convaincant en Léonidas, là il n'y a pas de doute. On retrouve par ailleurs au casting la très royale Lena Headey, impeccable reine de Sparte, mais aussi Michael Fassbender parmi la bande des joyeux drilles musclés, ou encore David Wenham, célèbre pour un rôle tout aussi chevaleresque, celui de Faramir dans le Retour du Roi.
     
Note générale : 8,5/10

Pépite brute, ovni cinématographique, délire d'un réalisateur légèrement mégalo, 300 impressionne toujours pour son caractère "à part". D'un film qui aurai pu être une série B sans intérêt, Zack Snyder transforme le roman graphique de Frank Miller en fresque hallucinatoire grandiose qui vaut le détour pour à peu près tous les éléments qu'il propose. Certains seront réfractaires à cette graine de folie dans le ciné américain, tout le reste prendra une bonne grosse claque.





"Immortals... We put their name to the test"

4 juin 2012

Prometheus

Prometheus

Ridley Scott
2012

Film : Américain
Genre : Science Fiction Glaçante
Avec : Noomi Rapace, Michael Fassbender




Synopsis

Parce qu'elle et son compagnon ont trouvé chez de nombreuses civilisations un point commun convergent vers un système solaire à deux années lumières de la terre, le Dr Elizabeth Shaw embarque à bord du Prometheus à la recherche des "géants", ces êtres qui ont, d'après sa théorie, conçu l'humanité. Néanmoins dans cette expédition, chacun semble se préoccuper de sa propre quête, et leur planète de destination où des vestiges d'une ancienne civilisation les attendent, semble se refermer peu à peu sur l'équipage comme un piège mortel.

Avis

Ridley Scott en Science Fiction, c'est deux films. Deux films seulement. Alien, 1979, et Blade Runner, 1982 (et je vous engage à aller relire dardar mes précédentes chros sur ces deux monuments) Monumentaux, c'est vraiment peu dire d'ailleurs aux vues des hordes de fans qu'ils ont engendré. Pour soutenir la comparaison monumentale, c'est un peu comme l'Empire State et le Chrysler building, si vous préférez. Et en annonçant son grand retour à une fresque épique de science-fiction, indépendante, mais incluse dans l'univers Alien, sous forme de prequel, et possiblement en deux épisodes... On attendait avec grande impatiente ces tours jumelles, espérant qu'elle ne finissent pas par s'effondrer tragiquement.

Aujourd'hui, voici enfin sur nos écrans la première de cette possible duologie, Prometheus. Le film s'ouvre, peu à peu, comme une rose noire, passé le printemps. La tension monte en flèche pendant une bonne heure, les références à la saga Alien sont partout, des frissons parcourent mon échine. Les révélations promises sont bien au rendez-vous, ainsi que les décors Giger-like, si chers aux fans. C'est glauque, pesant, léché, et foutrement envoutant.

Haaa, nous voila rassuré, Ridley ne s'est pas raté. Mais s'est il sublimé comme lorsqu'il sort Blade Runner en 1982, certainement sa plus grande réussite encore à ce jour? Hmmm... Oui et non. Oui, ce film est la plus grosse claque de ciné de SF depuis bien longtemps, certains diront depuis Avatar, mais n'ayant pas accroché à 100%, je citerai plutôt le pilote de Battlestar Galactica ou des choses comme Matrix et le Cinquième Element, baffes visuelles et scénaristiques en leur temps. Et non, parceque ce Prometheus ne tient pas toutes les prome(téu)sses que les fans se sont imposés à eux même dans un esprit d'espoir illusoire créé par leur propre imaginaire. Disons, il est vrai, que certaines questions restent terriblement en suspens, et ma conscience m’empêche de divulguer lesquelles pour ne pas spoiler la moindre miette du scénario (même si je crains d'en avoir déjà trop dit). Il est bien tôt pour parler de suite, mais cela a déjà été évoqué plusieurs fois par Scott lui même, et je vois mal comment ne pas envisager un second opus pour boucler la boucle de manière bien plus définitive que par la fin ouverte pleine de promesses de "plus".

En réalité, la deuxième moitié du film est plus frustrante car elle s'amuse à brouiller les piste et lancer plus de perches dans tous les sens que de vraiment répondre aux questions qu'on se pose. Ce qui renforce vraiment le sentiment de "deuxième moitié de première moitié" d'un grand film aux origines de la saga Alien. Plus encore que ce premier Prometheus, sa suite quelle qu'elle soit va être attendue comme la représentation ultime du messie cinématographique sur terre.

Le gros tour de force de Ridley par ailleurs, est de rendre hommage d'une part à son propre film, le tout premier Alien, mais également aux Aliens suivants, et même à d'autres classiques du cinéma de science fiction et de l'horreur comme The Thing par exemple, tout en reprenant une thématique revisitée par nombre de films et de séries, Stargate pour ne citer qu'une des plus connues. De ce point de vue là, le réalisateur anglais ne s'est pas privé de jouer dans le fan service pour attiser encore plus la curiosité des légions de fans qui l'attendaient au tournant.

Mais le souci c'est qu'à trop faire dans le fan service, et c'est le cas pour la plupart des films orientés de cette manière, on risque de perdre les néophytes. Bien que vraiment dans une "mythologie" à part, pour reprendre les mots du réalisateur, et plutôt réussi sur son aspect indépendant de la saga Alien, on se demande néanmoins comment les "non-initiés" à l'univers peuvent réellement appréhender ce film. Il y a trop de références, de pistes à explorer pour assimiler le tout sans un certain "back-ground".

De plus le sentiment de ne pas voir la fin du film au terme des deux heures est une frustration extrême pour le spectateur. Un peu à la manière d'Harry Potter et les Reliques de la Mort partie 1, on a l'impression d'assister à un intermède qui fait encore plus baver les fans. Efficace pour la fidélisation, mais maladroit. Au final, il n'y a que peu de révélations dans cet opus, qui a parfois donné l'impression d'être un teaser géant pour la suite.

Et puis il y a les niveaux de lectures. Tout un complexe de messages cachés en couches. L'histoire, la reflection meta-physique sur l'histoire, les thèses explorées pour ces questions méta-physique... Et la curiosité du spectateur le pousse à plonger plus profond dans ces strates. Et comme souvent, plus il plonge, plus il creuse d'autres interprétations que le réalisateur lui même n'avait peut être pas anticipé. Si le film n'est pas à prendre avec un sérieux académique, ce qui exclut d'emblée les théoriciens et les coincés de l'oignon, il apporte néanmoins son lot de questionnement sur l'humanité et le futur, ce en quoi il est vraiment l'égal des deux autres films de SF de Ridley Scott.

J'ai donc conscience que ce film en perdra certains dans les méandres de l'imaginaire, car il va trop loin. Pour d'autres il n'ira pas assez loins et ceux ci détesterons être perdus au milieu. Et puis il y a ceux qui savent apprécier la beauté graphique obscure de fin du monde de ce film. Les fans d'Alien, de Giger, de cinéma de genre, et de seinen manga. Sombre et élégant, ce qui rappelle forcément le premier Alien, Prometheus malgré ses imperfections marque fort et signe avec un brio certain le retour de Ridley Scott aux ténèbres de la Science Fiction.




Notation

Réalisation : 9,5/10

A quelques détails près, le réalisateur manque la perfection. L'ensemble du film a une classe folle, les effets graphiques sont époustouflants, la 3D est l'une des mieux réussies de ces derniers temps, le montage est sombre et réussi, le style de Scott est inimitable, et c'est avec ravissement qu'on retrouve des décors amplis de la nostalgie du film de 1979, couloirs asseptisés dans le vaisseau, interieurs glauques et charnels dans l'ambiance biomécanique sur la planète, brume mystérieuse et références omniprésentes, alors où le bat blesse-t-il? Ces détails, le rythme de la fin du film, quelques pistes mal explorées dans la réalisation qui tournent plus à la confusion qu'à la science infuse, et ce féroce sentiment que Ridley est déjà tournée vers la suite au moment de conclure son film. 

Son : 9/10

La bande originale est à l'image du premier Alien. Elle créer un décalage imperceptible entre l'image, sombre et glacée, et ses égarements émerveillés. Mais elle passe bien, car emprunte de mystère et de danger latent. Les effets sonores quant à eux, sans atteindre la perfection du rythme glaçant d'Alien, le Huitième Passager, sont au niveau d'un film de cette ampleur.  

Scénario : 7,5/10

Dur, dur, dur de noter ce scénario. Dans un premier temps, je ne rentre pas dans la polémique de l'histoire narrée, qui aura ses défenseurs et ses détracteurs, et je me penche sur l'écriture du film. C'est un modèle de quasi perfection sur la première moitié du film. Tout est là. Le rythme lourd, la lente montée d'adrénaline lorsque le groupe pénètre dans la pyramide... Les répliques de David, le personnage de Miss Vickers, bref l'introduction progressive de l'univers Prometheus est une réussite splendide tant dans la réalisation que dans l'écriture. Et puis, de la même manière que la réalisation se délite, le scénario suit cet exemple (ou n'est-ce peut être pas plutôt l'inverse?) et devient plus flou, plus confus, mais aussi moins convaincant. Pas moins terrifiant, cet aspect est sauf, mais le film finit avec un boulevard pour la suite qui tend presque vers l'inachevé. C'est bien de savoir qu'il y aura un autre film, c'est juste dommage d'avoir terminé celui ci de manière si abrupte.  

Interprétation : 9/10

L'ensemble du casting mérite qu'on lui tire le chapeau. Mais il y en a 3 pour qui c'est d'autant plus vrai. Noomi Rapace, car c'est le rôle titre, est une excellente actrice, et réussir à rappeler Ripley sans la singer n'était pas gagné d'avance. Bravo #1. Michael Fassbender, David. Un androïde en apparence plus simple et moins torturé que ses prédecesseurs (mais chronologiquement parlant sa déscendence) mais est-ce vraiment le cas? Le rôle semble parfait pour lui, tant il rappelle et Ash et Bishop, avec son petit truc en plus. "The trick, Mister Potter, is not minding that it hurts!" Bravo #2. Enfin Charlize Theron, glaciale et envoutante, presque autant qu'un Alien. Elle réussi la performance d'être un personnage secondaire de premier plan tant elle respire la classe et le charisme. Si son personnage n'a finalement pas un rôle déterminant, elle sait le rendre indispensable. Bravo #3.

Note générale : 9/10

Cri du coeur, on va encore me repprocher de ne mettre que des bonnes notes, mais comment ne pas être charmé par ce Prometheus? Certes il n'atteind pas vraiment le niveau des précédentes réalisation de Ridley Scott en Science-Fiction, mais l'univers se dévoile finalement à peine, et à nos donner un os à ronger en attendant la suite, on ne peut que constater qu'il est tout de même particulièrement savoureux! Oh oui, Prometheus, je vais retourner te voir, te revoir et te revoir encore.




"Are you a robot?"

31 mai 2012

Pulp Fiction

Pulp Fiction

Quentin Tarentino
1994

Film : Américain
Genre : Film de mafieux et de salauds chics
Avec : John Travolta, Samuel L. Jackson, Uma Thurman, Bruce Willis





Synopsis

Vincent et Jules roulent tranquillement dans les rues de Los Angeles, badinant sur la restauration rapide à travers le monde. Vincent et Jules se rendent allègrement sur leur lieu de travail. Puis Vincent et Jules font allègrement leur travail, celui d'hommes de main de Marsellus Wallace, patron de la pègre du côté d'Hollywood. Bien sûr, ce travail est un peu salissant, et ne se passe jamais trop comme prévu. Qu'il s'agisse de tenir compagnie à un boxeur, à des petits branleurs qui croient pouvoir entuber un mec comme Marsellus, ou un boxeur qui n'a pas vu qu'il était l'heure d'aller se coucher.

Avis

Lorsque sort Reservoir Dogs, Tarentino introduit son style. Ses histoires de voyous plus ou moins respectables, mais tous plus classes les uns que les autres. En 1994, avec Pulp Fiction, il réalise ce que beaucoup considèrent comme son chef d’œuvre. Le summum du genre. A travers plusieurs histoires, les pires crapules de Los Angeles semblent cohabiter à l'écran pour un festival de répliques cultes et scènes d'une grande cocasserie. C'est fluide, c'est grinçant, bref c'est Tarentino.

Et il est vrai que depuis Pulp Fiction, Tarentino n'a pas réussi à faire ne serai-ce qu'aussi bien en terme de dialogues et de comique de situation. Mais là... Là... Commençant son histoire dans un family restaurant (encore) avec une ptite frappe jouée par Tim Roth, la poursuivant avec les questionnements philosophiques de Vincent sur l'implantation de Mc Donalds en Europe avant d'assister au sermon du "prêtre" Samuel L. Jackson... Tarentino nous balade dans son univers fait de petits malfrats aux visages bien connus du cinéma hollywoodien. Harvey Kettel, Bruce Willis, Quentin Tarentino lui même... Ce Los Angeles ressemble d'avantage à une grande famille qu'au sombre univers de la pègre auquel il doit ressembler "en vrai".

Et c'est dans ce sentiment de sympathie et de camaraderie cocasse entre les morts, les flingues, la drogue et l'argent sale qui créer ce décalage dont Tarentino est si fan, qu'on se sent à l'aise avec des personnages pourtant peu fréquentables. Lorsque Vincent et Jules se retrouvent en t shirt délavé du dimanche, ce ne sont plus ces tueurs froids. Et pourtant si. L'ambivalence et le décalage, la clé du succès du cinéma de Tarentino.

Mais en dehors de son écriture loufoque et maitrisée, le réalisateur parvient également à donner une belle leçon de photo/cinématographie. Poursuivant sur la lancée de Reservoir Dogs, les plans sont lents, contemplatifs du "charme" assez particulier de Los Angeles, de ses endroits insolites, night club de mafieux, chambre de motel, cave assez bizarrement équipée, restaurant ambiance fifties avec Marylin et Buddy Holly en serveurs etc etc. L’œil de Tarentino se perd sur les détails avec cette nonchalance, ce cynisme loufoque qui a fait la gloire de ce réalisateur.

Évidemment, revenir sur le scénario est assez compliqué. Pas qu'il n'y ait pas d'histoire non. Disons plutôt qu'il n'y en a pas qu'une. Le titre, s'il me paraissait énigmatique il y a quelques années avant que je vois enfin ce film, prend quelque part tout son sens lors du visionnage. Ambiance pulp, référence à ce ciné pop-corn, sans queue ni tête, mais dont les histoires entrelacées donnent une cohérence à l'ensemble. Comme une partie de mikado ou un crumble pomme bananes.

Le résultat après les deux heures et demi, c'est qu'on a le sentiment d'avoir eu en face de soi un monument d'écriture, le réalisation et d'interprétation. Une sorte d'effet kiss cool qui file la banane. Tarentino ne réinvente pas le cinéma, mais il a une sorte de manière de faire ses films en décalé. Presque comme s'il était le cubiste du cinéma américain. La créativité, le décalage et dès ce deuxième film, la maturité.  





Notation

Réalisation : 9/10

En poursuivant sur une lancée déjà fortement prometteuse, Quentin Tarentino accouche ici d'un film réfléchit, au montage et à la réalisation posés. Ses plans séquences de dialogues au cœur des intrigues et des principales scènes rendent le film très vivant et contribuent à cette exaltation de tous les instants, qu'on soit dans les moments légers ou dans les moments dramatiques.  

Son : 8/10

Là encore, c'est en optant pour une bande son rock, ni trop calme ni trop agitée, et toujours groovy, à l'image de l'emblématique thème de Misirlou qui ouvre le film, que le réalisateur parfait l'ambiance un peu messed up et surréaliste de bon nombre de passages ubuesques.

Scénario : 10/10

L’incommensurable talent de Tarentino dans ce film, c'est de raconter une sorte de quotidien décalé, avec une nonchalance presque candide. L'histoire... Il n'y a pas vraiment d'histoire. Le scénario? Si, si il y a bien un scénario. Une écriture légère et pesante, tout à la fois. Des situations cocasses plus délectables les unes que les autres. Un très grand savoir faire dans les dialogues, comme souvent chez le réalisateur, et au final un divertissement pur comme grande leçon de cinéma de Gangster, Tarentino-like.  

Interprétation : 9/10

Sans être le plus familier avec la carrière de Travolta, c'est certainement son meilleur rôle, ou en tout cas, il n'a pas fait mieux depuis. Mais tout le casting mérite le détour. Samuel L. Jackson, qu'on adore toujours autant réussi le tour de force d'être classe avec une afro, une moustache et un t-shirt de plage lorsqu'il brandit son Colt .45, Bruce Willis, savoureux en boxeur qui refuse d'aller dormir, Uma Thurman envoutante au possible, Harvey Kettel hilarant, et nombreux sont les rôles secondaires à respirer la justesse et baigner ce film dans une douce ambiance de crédibilité absurde.

Note générale : 9/10

Lorsque vous mettez le dvd ou le blu ray dans votre lecteur, et que vous savez à quoi vous attendre, de base, vous avez la banane. Les deux heures trente qui vont suivre seront sucrées acidulées, juste ce qu'il faut pour titiller votre satisfaction cinématographique, ni dans la démesure, ni dans l'intellectualisme coincé. Et si vous ne savez pas à quoi vous attendre, le sourcil curieux va rapidement se transformer en arcade de ravissement étonné. Pulp fiction, c'est un vrai pulp, mais avec le sucre du cinéma moderne, bien secoué dans une grande bouteille pour que ça reste pas en bas.





"I'm Winston Wolfe. I solve problems"


 

7 mai 2012

Watchmen

Watchmen
Les Gardiens


Zack Snyder
2009


Film : Anglo-Américain
Genre : Film de super-héros déglingos saupoudré d'uchronie pré-apocalyptique
Avec : Patrick Wilson, Malin Ackerman
   
     
      
   
     
Synopsis
     
Ce lugubre mois d'Octobre 1985, commence par la mort d'un Comédien. Le Comédien. Depuis la dissolution en 1977 par le président des Watchmen, groupe de super-héros masqués luttant contre le crime, il travaillait pour le gouvernement de Nixon, ce qui laisse certains penser qu'il pourrait s'agir d'un meurtre politique. Rorschach, seul masqué à avoir refusé cette retraite anticipé, voit plutôt cela comme le signe qu'un mystérieux assassin s'en prend méthodiquement aux héros de la lutte contre le crime. Il est vrai que les Minutemen créés dans les années 30 ont, depuis qu'ils ont laissé le flambeau aux Gardiens, eu une trajectoire plutôt tragique dans l'ensemble et il n'en reste plus beaucoup à pouvoir témoigner de l'âge d'or des super-héros. Et alors que la guerre nucléaire entre les deux blocs menace plus que jamais, le Dr Manhattan mi-homme, mi-arme de destruction massive et bouclier antinucléaire au teint bleuté s'éloigne de plus en plus de la réalité de l'Humanité, poussant les autres Watchmen à reprendre du service pour lutter contre le crime tant qu'essayer de sauver la planète de la destruction totale.
     
Avis

Le comic book de Watchmen est un classique de DC Comics, au même titre que Batman ou Superman. Une œuvre extrêmement riche et débordante d'imagination, avec un univers uchronique savoureusement politiquement incorrect. Mais voilà. Sa trame narrative décousue a longtemps dissuadé un quelconque réalisateur de l'adapter. Ce n'est pas comme Batman où il suffit de piocher dans le sac des super-vilains, et ficeler une histoire autour de ça. Watchmen est un roman illustré. C'est une histoire profonde et particulièrement intéressante.

Mais à œuvre cultissime, le danger de l'adaptation est d'autant plus grand. Les films de super héros ont la cote depuis une bonne grosse dizaine d'années, en particulier grâce à Marvel qui a réalisé d'excellentes productions telles Spiderman, X Men, Iron Man, récemment les Avengers etc. DC n'était pas en reste avec le renouveau des Batman, et un nouveau Superman qui n'a pas forcément marqué les esprits même s'il était plutôt réussi. Du coup quand Zack Snyder annonce s'occuper de Watchmen, bon nombre de fan ont levé le sourcil.

Il faut dire que Zack Snyder a réalisé un film qui l'a fait entrer dans la légende. Plutôt trois cents fois qu'une même. Son style, si particulier semblait correspondre aux attentes à la fois des fans et des producteurs qui lui ont fait confiance, après que plusieurs projets d'adaptations aient été abandonnés.
    
Le résultat a un mérite, celui de ne pas laisser indifférent. Si les premières secondes laissent craindre un film avec une nouvelle fois bien trop d'images de synthèses, de ralentis et de combats chorégraphiés à l'excès, le sublime générique, et la pression retombant après coup nous libèrent de ces craintes. Le fait est que c'est très bien. Les décors sont glauques à soit, les personnages parfaitement réussis, et l'ambiance années 80 alternatives est vraiment au rendez-vous.
    
Mais alors que le film suit, je l'ai vu après avoir lu le comic, quasiment scène pour scène le roman illustré, le cinéphile commence à se demander où le réalisateur veut en venir. Certes, il doit introduire ses personnages, et au début ce n'est vraiment pas facile. D'abord il y a les héros des années 40, puis ceux des années 70, puis il faut comprendre qu'ils sont à la retraite...
   
Snyder nous laisse le temps de digérer son ambiance, et, à la manière de ces choses bonnes pour nous mais qui nous embêtes, comme un médicament amer, le film traine sur la longueur sur près des deux premiers tiers. Sur 2h40, c'est long!
   
Mais le fait est que le comic book est exactement sur ce format là. Durant plus de la moitié du roman, chaque chapitre est consacré à un des Watchmen, et l'intrigue peine à s'installer. Snyder a, et c'est preuve d'audace, décidé de coller strictement au comic, et se retrouve par conséquent avec les qualités de ses défauts.
   
En dehors de cela, il faut bien admettre, que même s'il adore en mettre plein la vue, le réalisateur sait ce qu'il fait. Le travail de la caméra est très soigné, celui des effets spéciaux l'est encore plus, comme d'habitude, et c'est surtout le talent avec lequel il insuffle une ambiance absolument identique à celle des années 80, mais en encore plus amplifiée par la réécriture de l'histoire, qu'on se croirait presque à l'aube d'une guerre nucléaire.

Par ailleurs, sans revenir sur l'écriture du comic, qui, elle, mérite certainement ses propres louanges, on est bluffé par la façon dont Snyder rend chacun de ses héros très humains. C'est l'attrait de Watchmen par rapport à un Super-man ou un X men. En dehors du Dr Manhattan, incarnation du méga-héros omnipotent sans défaut, si parfait qu'aucun autre auteur n'avait osé aller si loin dans les supers pouvoirs (mais sans le priver de ses propres défauts malgré tout) aucun autre Watchmen n'a de supers pouvoirs. Des gadgets, des réflexes et une force physique bien extraordinaire, certes, mais pas d'yeux laser, pas de griffes en adamantium, pas de pouvoirs divins etc.

Rongés par la bassesse de l'humanité, le film montre bien à quel point même les supers héros sont tarés au sens propre. Psychopathes, névrosés, ambivalents et mégalomanes à l'extrême, chacun est un panel de folie et un représentant grotesque de la lie de l'humanité, à commencer par le plus significatif d'entre eux, Rorschach.

Un soin tout particulier a été apporté à ce personnage si ancré dans la controverse et dans l'excès. C'est le sens encore en activité au début du film alors que tous les autres sont à la retraite, c'est le seul dont on ignore l'identité dès les premiers instants du film, et, sans avoir centré le film autour de lui, ce qui d'une part n'aurai pas été fidèle au comic, et d'autre part aurai été une erreur, c'est lui qui porte une bonne partie du film, la première notamment, si difficile à suivre, sur les épaules de son imper élimé.

Lorsque l'histoire s'emballe, que l'intrigue évoquée dans les débuts du film se dévoile, alors la fuite en avant est plus classique, et on assiste à un final de super héros, avec le super-vilain très vilain, et les héros cherchant à sauver la veuve et l'orphelin, bien que, rongés par leurs faiblesses, créant la dose de supsens indispensable à un final de cette nature.


Au final, en dehors d'une première grosse moitié, Watchmen passe avec beaucoup de facilité, et je recommande aux amateurs de se pencher sur le comique auquel la qualité du film doit beaucoup de par sa fidélité. Et pour ceux qui n'ont pas vu le film, je le conseille lui aussi avec pas mal d'enthousiasme, même s'il faut savoir faire la part des choses face à une pellicule aussi complexe.
    
   
               
    
  
Notation
   
Réalisation : 8/10

Zack Snyder est un surdoué des effets visuels. Il laisse à chacun de ses films son empreinte visuelle, et Watchmen annonce la couleur dès la scène d'introduction, et son somptueux générique qui suit immédiatement celle ci. Couleurs sépias sombres, jeux de lumières et de contrastes, le réalisateur joue volontiers avec les couleurs criardes du comic original, mais en les passant systématiquement dans un tourbillon de crasse et de poussière de charbon. Le résultat est saisissant. L'univers est glauque à souhaits malgré certains tons pastels et l'ambiance de crépuscule de l'Humanité est permanente. Première grande réussite! Dans ses cadrages, dans la symétrie des plans, dans l'utilisation du champ/hors-champ Snyder s'amuse aussi énormément pour marquer comme à son habitude le film. Sauf que. Sauf que à vouloir trop en faire, Snyder semble avoir une sorte de réflexe du débutant surdoué qui étale trop sa science. Les scènes d'actions sont entrecoupées de ralentis d'un effet douteux. Certes, depuis 300 c'est sa marque de fabrique, mais le résultat énerve plus souvent. Heureusement ces scènes ne sont pas trop nombreuses. De plus, le mélange si particulier à Snyder d'images de synthèse dans le décor ou dans les accessoires trouble un peu au début, mais on s'y fait. A mon sens, Snyder manque de la maturité nécessaire à affirmer son style, mais le résultat est malgré tout très plaisant.

Son : 9/10

L'Histoire de Watchmen s'inscrit, comme celle de beaucoup de comics par ailleurs, dans une époque. Celle de la guerre froide. L'histoire, en détournant la réalité historique de tous les événements des années 60 et 70 s'accapare également la bande son fidèle à cette double décennie, et ce sont Bob Dylan, Jimi Hendrix ou encore Simon & Garfunkel qui accompagnent les héros dégénérés de Watchmen. Pas grand chose à redire non plus sur les bruitages, bien qu'ils débordent parfois dans le bruitage de série B sur certains combats, mais c'est aussi le principe des films issus de comics.

Scénario : 7/10

Très fidèle à l’œuvre originale d'Alan Moore et de Dave Gibbons, le scénario du film est lésé par la discontinuité du scénario du comic. Certains verront cela comme une force, car son caractère très particulier conférait à Watchmen une réputation de comic inadaptable au cinéma, et le tour de force d'avoir gardé de la cohérence malgré les difficultés était une belle réussite, mais pendant 2 tiers du film, l'histoire peine à démarrer et c'est une galerie de portraits tous plus difformes et psychédéliques les uns des autres. Lorsqu'enfin la logique des enjeux prend forme, on est un peu déçu par le final et son caractère éphémère à côté du reste du film qui monte pourtant bien la mayonnaise pour un final grandiose. Certains penseront "tout ça pour ça?"

Interprétation : 7/10

Pas de grande star au générique, quelques visages familiers, et du talent, oui, mais rien pour donner à l'interprétation de ces héros un coté légendaire. Snyder a voulu coller à la BD et les acteurs s'effacent un peu derrière leur personnage. Certes, l'adaptation est plutôt réussie, les personnages sont eux aussi très fidèles à leur personnalité dans le comic, mais la prédominance de la personnalité des personnages supplante celle des acteurs. Encore une fois c'est très subjectif.

Note générale : 8/10

Watchmen est un bon film, voir un très bon film, mais un film qui partage. Certains y verront l'adaptation parfaite d'un comic culte, d'autre un film long et lent qui se mord la queue pour faire pshit à la fin. De même, si le style de Snyder est indéniablement une prouesse tant cinématographique que technologique, il partagera entre les pro effets graphiques et les contres. Sans être le meilleur film de Snyder, Watchmen reste, comme 300 l'une des bases du succès futur de se réalisateur, et le mieux pour vous faire votre propre opinion sur ce film si particulier, c'est de le regarder.
     
    

   
   
"None of you seem to understand. I'm not locked in here with you. You're locked in here with me!" 

2 mai 2012

Requiem for a Dream

Requiem for a Dream

Darren Aronofsky
2000

Film : Américain
Genre : Drame psyché dramatique
Avec : Jared Leto, Ellen Burstyn, Jennifer Connelly



  
  
  
Synopsis

L'été commence sur Coney Island. Mais à la chaleur réconfortante du soleil, Harry, son pote Tyron et sa copine Marion préfèrent celle de la drogue, dans leurs veines, leurs sinus ou leurs poumons. Sara, la mère d'Harry préfère la télévision. Surtout quand on l'appelle pour lui proposer de participer à une émission. Malheureusement elle ne rentrera jamais dans sa robe favorite à temps. A moins peut être qu'elle ne prenne quelques pilules amincissantes. En vendant de la drogue, Harry et Ty se font assez de sous pour que la came coule à flots, mais l'automne arrive, et avec lui quelques complications.
    
Avis

Parce qu'il joue sur la carte d'un psychédélisme malsain, bien loin de Las Vegas Parano ou de Trainspotting, références antérieurs en terme de film de junkies dans les 90's, Requiem for a Dream marque aisément les esprits, qui ne s'attendent certainement pas à une chute si abyssale.

Jouant parfaitement la tragédie en 3 actes, le scénario et la mise en scène plongent à chaque instant le spectateur dans un état d'immersion avancé introduit par des gimmicks représentant chacune des drogues utilisées. L'inventivité de la réalisation pour trouver des plans plus nauséeux les uns que les autres relève du génie. L'effet stroboscopique version pub/clip de certains passages possède un effet abrutissant visant à plonger la personne qui regarde Requiem for a dream dans un état second que seules quelques bouffées d'oxygène pur parviennent à dissiper avant la rechute.

Si on peut louer le professionnalisme avec lequel Aronofsky nous plonge dans l'état escompté, il est à parier que tout le monde ne ressorte pas de là indemne. Certains auront le sentiment d'avoir été écorchés vifs, d'autres plongés dans l'eau bouillante ou au contraire aspergés d'eau glacée, d'autre verront plus cela comme un rétrécissement soudain des murs qui les entourent. Mais quel que soit l'impression finale, Requiem for a Dream laisse sa marque. Libre a chacun de voir s'il apprécie cette marque, ou va chercher à s'en débarrasser au plus vite.

Le principal atout de ce film est de faire oublier qu'il s'agit d'un film. A travers la réalisation coup de poing, certainement très prétentieuse et malgré tout un peu convenue, on oublie cependant de faire attention à la forme et même au fond des choses. L'irréalité de certaines scènes déforme notre perception du cinéma, et c'est donc naturellement qu'on se laisse portés. Parce que ce film est loin d'être parfait. Si la narration est plutôt réussie, il laisse cependant un gout d'inachevé, de pas toujours exploité à son optimum.

A peine une demie heure après, l'effet redescend déjà, le monde redevient stable, les formes figées, et si on loue la capacité de ce film à monter très haut, très vite et très fort, on regrette assurément qu'il ne sache pas faire durer le plaisir plus longtemps... Je crois que je vais devoir me le remater très vite avant d'être à nouveau en manque!





Notation
    
Réalisation : 8/10
   
Psyché, stroboscopique, moderne, foutrement arrogante, la mise en scène, les effets visuels et la photographie blafarde laissent un gout acidulé au fond de la rétine. Le but avoué est de rendre le spectateur ivre de tous ses effets et de ce montage hallucinatoire. Pari réussi, mais à quel prix? La réalisation parvient à nous faire oublier qu'il s'agit d'un film, mais parvient elle à nous faire penser qu'il ne s'agit pas d'un clip de 2h?

Son : 8/10

Le montage sonore est en parfaite équation avec le montage visuel. Bruitages hachés, presque caricaturaux, leitmotivs et gimmicks sonores autant que visuel, effets de ralentit/accéléré sur les voix, tout est bon pour déstabiliser l'oreille interne aussi bien par l'ouïe que par la vue. Les mélodies sont elles aussi très lancinantes et parfois désarticulées, mais leur effet est plutôt réussi, à l'image du reste de la production.

Scénario : 8/10

L'idée n'est finalement pas si originale puisqu'elle suit 4 junkies aussi similaires que différents dans leur descente aux enfers, mais elle a le mérite d'être diablement bien narrée. Chacun des personnages possède une sorte de vision bien particulière, et la manière dont ces 4 destins sont liés présente un intérêt vraiment significatif dans la manière où, d'un tronc commun ils de séparent, parfois entremêlés, parfois complètement opposés.

Interprétation : 9/10

Il faut bien avouer que chaque personnage est campé avec un réalisme saisissant. Les rôles, à la fois simples et complexes sembler coller à la peau de chacun des acteurs, si bien que chaque rôle de Jared Leto (comme, celui du frère de Yuri Orlov dans Lord of War) semble rappeler celui ci, sans pourtant le peser comme un masque trop lourd à porter. Et d'ailleurs la force de l'interprétation est l'une des principales composantes de la réussite du malaise que le film cherche à porter.

Note générale : 9/10

A la fois réussite incontestable et film imparfait, Requiem for a Dream marche à l'affect. Bien que très joli, bien écrit et bien interprété, j'ai du mal à considérer qu'il s'agisse d'un des chefs d'oeuvre du cinéma contemporain. Et pourtant? Une note surement très exagérée mais qui reflète parfaitement le sentiment de béatitude dans lequel il vous laisse. Aussi malsain et répréhensible soit il, un fix de Requiem for a Dream peut vous porter très loin.



  


"California, Florida, whatever. Either way, ya pale ass is getting a tan!"