31 oct. 2011

Silent Hill

Silent Hill

Christophe Gans
2006

Film : Américano-Franco-Japonais
Genre : Adaptation d'horreur pure venue du jeu-vidéo
Avec : Radha Mitchell





Synopsis

Sharon a beau vivre au milieu de la douce chaleur aimante d'une famille et d'une grande maison bercée de lumière, ses nuits sont émaillés d'atroces cauchemars et phases de somnambulisme qui convergent vers un point sur la carte: la ville morte de Silent Hill. Bravant le danger et l'interdit, Rose, la mère de Sharon prend le démon à bras le corps en décidant d'emmener la petite à Silent Hill pour découvrir la source de son malaise.

Avis

Qu'ils furent nombreux, et moi le premier, les fans du jeu, frappés d'effroi à l'annonce de l'adaptation de Silent Hill en film holywoodien. Silent Hill était tellement original dans le monde du survival, tellement imprégné de l'ambiance des yôkai et des contes folkloriques de l'horreur à la japonaise, qu'une version estampillée "USA approved" ne pouvait que signifier la mort du contenu. Silent Hill premier du nom, a été pour beaucoup, bien plus que Resident Evil ou Dino Crisis, LE survival par excellence à l'ambiance malsaine et épouvantable. Les références cinématographiques allaient tant vers le cinéma d'horreur japonais de Ring ou Ju-on que vers celui américain d'Amityville ou l'Exorciste. Piégé entre deux mondes, le héros était l'archétype du gars banal sans super pouvoir, qui s'essouffle rapidement, qui manie le tuyau de plomb avec autant de maladresse que son pistolet, et qui n'a rien d'une personne muée par un courage à toute épreuve.

Il y avait tant de paramètres, de détails malsains à prendre en compte si l'on puisait dans la saga de jeux vidéos, regorgeant à la fois de situations grotesques et macabres, entre la mise en scène cinématographique et vidéoludique, mais aussi de petites choses qui créaient l'ambiance. Là encore c'était le maitre mot. Et la crainte qui transparaissait était là: peut-on avoir l'ambiance des jeux au cinéma?
 

En réalité, dés les premières minutes du film on a notre réponse. D'une joyeuse fin d'après-midi chaude et ensoleillée, on passe à une nuit pluvieuse pleine de danger.  La musique d'Akira Yamaoka est là elle aussi. Ce génie de la musique et des effets sonores qui a donné ses lettres de noblesse à la saga vidéoludique est encore de la partie et alterne entre mélodies douces et mélancoliques, et passages de bruits sombres. Et le film va crescendo jusqu'à atteindre la ville de Silent Hill où l'on retrouve le début du premier jeu. Même brouillard, mêmes angles de caméra, même histoire, jusqu'au retentissement de la sirène...
  

Jamais je n'avais été aussi bluffé que lorsque Rose, alter-ego de Harry descend cet escalier dans la ruelle, comme on prendrait celui pour une cave humide, antichambre infernale. Car tout est là! Le style graphique, les bruits, les émotions de l'héroïne faisant écho à celle d'Harry et du joueur lorsqu'il découvrait pour la première fois ce jeu si terrifiant.

Mais le risque, au delà de la réussite graphique fidèle à l'univers, était de n'avoir que ça, ou alors un réchauffé du premier jeu sans innovation majeure. Heureusement, le film s'appuie également sur des réussites de type cinématographique : réalisation prenante, acteurs convaincants et effets spéciaux particulièrement réussis, qui en font une œuvre complète du cinéma d'horreur.
    





Notation

Réalisation : 9/10


Graphiquement, Silent Hill est un régal pour les yeux. C'était le point fort du jeu, l'ambiance est ici retranscrite à la perfection. Les décors, qu'ils soient dans le monde brumeux ou dans le monde alternatif fait de sang et de rouille, sont à couper le souffle. La galerie de monstres tout droit tirés des épisodes sur console est parfaitement réalisée, d'autant qu'il s'agit de costumes et non d'images de synthèse, renforçant avec une grande efficacité le réalisme et la terreur qu'ils inspirent. Ajouté à cela un œil de Christophe Gans très adroit, on obtient un film au top du cinéma d'horreur pour ce qui est du milieu des années 2000.
  

Son : 9/10


Akira Yamaoka fait des merveilles. Sa musique, emblématique de la saga a une personnalité inimitable, et c'est avec une grande délectation qu'elle nous accompagne tout le film. Par ailleurs, son génie du bruitage et des ambiances sonores, sachant parfaitement se coupler à sa musique inquiétante si besoin est, donne le sentiment d'oppression qui créait l'immersion indispensable aux jeux, et qui par conséquent implique le spectateur dans le film d'une manière rarement atteinte dans ce genre de productions.


Scénario : 7/10


Plus ou moins calqué sur le tout premier jeu, sorti en 1999, l'histoire prend certaines libertés et tout en évoquant la tragique histoire d'Alessa Gillespie, elle incorpore une vision légèrement différente du premier jeu, avec des idées nouvelles et bien amenées. Néanmoins, est-ce parce que l'histoire est déjà connue des fans de la série, ou parce qu'elle n'apporte que relativement peu par rapport à celle des jeux, que le scénario n'est pas du niveau des 2 premières aventures? En réalité très subjectif quant à son scénario, l'apport qu'il donnera dépendra de la sensibilité du cinéphile et du ludophile par rapport aux thèmes abordés et au degré d'adaptation du scénario original, sans que cela pâtisse à la qualité global de l'histoire.


Interprétation : 8/10


Le jeu d'acteur peut parfois se montrer inégal dans certains films. Sans réelle star, à part peut être Sean Bean dont le rôle de père ne participant pas directement à l'aventure que vit sa femme (comme une sorte d'anti-héros désabusé qui est là sans pouvoir l'être) lui donne énormément de classe, ce qui, il faut l'avouer finit par sembler inné chez lui, le film se base sur un casting de figures charismatiques qu'on a "déjà vu quelque part". La petite Jodelle Ferland, qui joue plusieurs rôles est bluffante, tant en Sharon qu'en Dark Alessa. Enfin, les quatre personnages féminins au centre de l'histoire: Rose, Cybil, Dhalia et Christabella sont interprétés avec force, mais on peut peut-être juste leur reprocher de ne pas crever l'écran en tant que personnages centraux. Un dernier mot aussi sur le casting de danseurs professionnels qui interprètent les monstres, car leur travail est l'une des raisons majeure qui ont fait le succès du film : complètement inquiétant, les chorégraphies des monstres sont aussi étudiées que dans les jeux, et contribuent à 200% à leur physique inquiétante.


Note générale : 9/10

La prouesse est à la mesure du défi que Christophe Gans s'était imposé. Silent Hill a marqué mon adolescence avec une série de jeux, puis avec ce film. Sûrement un des meilleurs portages du jeu vidéo sur grand écran, c'est un film d'horreur magnifique dont le moindre passage parle au fan de la saga, indispensable, que ce soit pour retrouver les frissons d'un univers qui nous est familier, ou pour découvrir toute la tristesse, la mélancolie et la rage de cette bourgade en apparences tranquille : Silent Hill.





"Many different forms of Justice, Chris. See, you got Man's, God's and even the Devil's. Certain forms you just can't control."




18 oct. 2011

Fight Club

Fight Club

David Fincher
1999

Film : Américain
Genre : Drame nihilo-anarchiste
Avec : Edward Norton, Brad Pitt





Synopsis

La vie d'expert en assurances n'a rien de bien folichonne. On a un appartement meublé par IKEA dans un building du centre-ville, on passe sa vie dans les aéroports à rencontrer des individus aussi jetables que la brosse a dent fournie par la compagnie aérienne, et on guérit ses insomnies et sa solitude en fréquentant des groupes de soutien pour les cancéreux, les maniaco-dépressifs, les junkies repentis etc. Mais que fait on lorsque son appartement explose et que toutes ses possessions matérielles son annihilées en un instant? Peut-on réellement contacter un anarchiste loufoque rencontré dans l'avion, sans que cela implique certaines conséquences sur son mode de vie?

Avis

La première règle étant de ne pas parler du Fight Club, je ne parle pas du Fight Club.
...

La deuxième règle du Fight Club étant de ne pas parler du Fight Club, je ne parle toujours pas du Fight Club.

...

Ceci étant, ma condition de bavard invétéré (à ne pas confondre avec les bavard invertébrés du type mollusque de la politique, très nombreux dans les médias ces derniers temps) me pousse à dire deux/trois trucs quand même.

Fight Club est un monument. Mais pas une belle construction défiant les lois de la pesanteur. Plus comme un bâtiment en ruines, couvert de tags et jonché d'immondices. Un vestige impie d'une époque révolue, complètement dépassé, devenu la risée du voisinage. Fight Club est une sorte de bloc de béton crado trônant dans le jardin de la bien-pensance.

Parce qu'aujourd'hui le monde a prit un coup de vieux. Bloqué dans ses stéréotypes et son conformisme puritain, il accepte de moins en moins le Fight Club. Et c'est dans un contexte pareil que Fight Club se sublime. Écrit dans le courant des années 90, sortit à l'aube de l'an 2000, dans une époque pleine d'espoirs et de rêves, après une décennie rattrapée par une économie bancale et une société de plus en plus sectaire, Fight Club est un film d'avant-garde qui plongeait le nez dans la merde des gens en leur démontrant par A+B qu'un nouveau millénaire n'était pas synonyme d'épanouissement sociétal façon calinours.

En 2011, Fight Club est presque une évidence. Depuis Fight Club, des tours sont tombées, des gamins démontent la tête d'un pauvre type à coup de marteau pour avoir des clics sur internet, des guerres ont éclaté, et tout le monde sait que c'est pas grave puisque grâce à Roland Emmerich on est au courant qu'une vague de 150m de haut va se charger de remettre les compteurs à zéro l'an prochain.

Bien qu'il soit un personnage de fiction, Tyler Durden est le Kant ou le Nietzsche de la génération entre 20 et 10 avant Justin Bieber. Tyler Durden et sa violence éponyme basée sur aucun jeu d'argent ou de pouvoir, Tyler et son anarchie militarisée de chef de guerre, Tyler et son savon beauté spécial cul graisseux.

Mais prendre Fight Club pour un manifeste délirant adressé au public comme un électrochoc à une époque où il ne pouvait rien y comprendre n'est pas la lecture la plus juste non plus. Ce film est avant tout un objet d'art, et l'art ne se justifie pas.

David Fincher a décidé de faire de son contenu une sorte de prétexte à sa peinture de la société. A la manière d'un Rembrandt dans l'Europe baroque, Fincher peint l'Amérique des années 90 dans le clair obscur d'un néon de station service. Saisissant de détail, le film évoque l'univers du réalisateur sombre et glauque qui s'oppose à l'ordre aseptisé de la société dans un tourbillon où tout fini finalement par se mêler.

Fight Club est un film fort dont la maitrise parfaite du trio d'acteur, du réalisateur et du scénariste permet, aussi délirant et/ou juste que soit son concept d'être le film culte d'une génération élevée à la poussière de béton.





Notation

Réalisation : 10/10

Ah mais que dire? Fincher rend la copie parfaite, à 100% dans son univers et son ambiance. Il pose son rythme, ses angles de caméra, sa lumière, son jeu de contrastes, sa direction des acteurs, toute la force de son symbolisme, et comme une fresque de 3km de long sur 35mm de large, peint la société en 1999 dans son absurdité la plus complète.

Son : 9/10

Fight Club se dote d'une BO très sympathique, collant parfaitement avec l'ambiance du film. "Where is my mind?" sur le générique de fin est un des choix les plus judicieux qu'on pouvait trouver. La voix off du narrateur clamant ses impressions avec détachement et dépit est l'un des atouts majeurs du film pour l'ambiance générale. Excellente bande son.
 
Scénario : 9/10

Le principal reproche adressé à ce film c'est sa violence gratuite latente. Chaque geste, chaque image du héros ou de Tyler transpire d'une violence crue, celle ci émaillant le scénario comme la peinture d'un mur après des centaines de coups de poing. Mais ce n'est pas "Hug Club" ou "J'suis-triste-viens-m'faire-un-beuzou Club". C'est Fight Club. Lorsqu'on intègre ce paramètre, le scénario devient d'une limpidité et d'une clairvoyance splendide. Il adopte alors une mécanique admirable et c'est un plaisir de la voir se mouvoir, qu'il s'agisse de la première ou de la centième fois.

Interprétation : 10/10

Edward Norton est un génie de la comédie. Qu'un auteur écrive l'être le plus torturé du monde, lui peut l'interpréter. Mais ne croyez pas que Brad Pitt est là pour conter fleurette à ces demoiselles. Si Tyler Durden qu'il campe est un personnage féroce haut en couleurs dans un monde grisâtre et rouillé, Brad Pitt est Tyler Durden. Ce duo aurai pu se suffire à lui même, mais une touche de glamour dépressif et dépravé, en la personne de Helena Bonham Carter ajoute à l'ensemble le coté acidulé d'une femme complexe et sauvage. Même le reste des personnages secondaires tient la route. Pas une ombre à ce tableau là.

Note générale : 10/10

Qu'importe l'adversaire pourvu qu'on ait la mâchoire démise. C'est en substance la morale à tirer de Fight Club. Car à prendre au premier degré, ce film fait l'apologie de la violence, de l'anarchie et du terrorisme. Mais loin d'être le Mein Kampf des années 2000, Fight Club est une satire, une sorte d'état des lieux avec dix ans d'avance sur la société du 3eme millénaire. Un film sombre et brillant. Il y a des films comme ça, au maximum un tous les dix ans qui marquent la décennie à venir, si ce n'est pas le siècle. Fight Club est de ceux là.





"I felt like putting a bullet between the eyes of every panda that wouldn't screw to save its species."  

17 oct. 2011

The Thing (2011)

The Thing

Matthijs van Heijningen Jr.
2011

Film : Canado-Américain
Genre : Remake/Prequel d'un classique de la Science-fiction horrifique
Avec : Mary Elizabeth Winstead



 

Synopsis
 
Lorsque Sander Halversen demande a Kate Lloyd, paléontologue de son état, de faire ses valises pour l'Antarctique pour analyser une "structure" et un corps prisonnier de la glace, elle ne se doute pas encore qu'il s'agit d'un vaisseau alien et de son unique passager, prisonniers du pôle depuis 100 000 ans. Un fois extraite de la glace, la créature s'éveille et commence alors à assimiler les occupants de la station de recherche norvégienne qui mène les fouilles.

Avis
  
On ne pas s'attaquer à l'un des films les plus marquants de l'histoire de la science fiction d'horreur sans s'attirer forcément les foudres d'une partie de ses fans absolus. Le pari de Mattjhijs (ce n'est pas pour me montrer familier mais je vais l'appeler par son prénom si ça dérange personne hein?) est donc osé: revisiter le mythe, lui offrir une origine tangible en racontant l'aventure de la station norvégienne, et recréer le climat d'horreur et de paranoïa du film initial. Sacrée paire de manches!

D'autant plus si on considère l'inexpérience du réalisateur qui n'avait jusqu'alors réalisé que des publicités ou des films assez confidentiels dans ses Pays Bas natals. Mais Matthijs n'est pas dénué de talent. Il travaille consciencieusement son image pour lui donner à la fois la force nécessaire, et, bien aidé il est vrai, par les codes du film de 1982 son ambiance se construit pour former ce monstre a deux têtes de paranoïa et d'horreur pure.

Mais du coup la question peut se poser : repompe totale du film de Carpenter ou film indépendant de son ainé? Ni l'un ni l'autre. Dans un premier temps, afin d'avoir une vision la plus objective possible, j'ai évité de regarder extraits, bandes annonces, avis, critiques... J'ai également revu l'original il y a quelques semaines, toujours avec le même plaisir. De fait, en arrivant dans la salle de cinéma mon esprit était vierge de préjugés.
Bien sûr, il y avait une certaine attente, un frisson et un espoir, mais j'ai préféré laisser taire ces expectatives pour me concentrer sur le film en lui même. Et ce sont presque 2h de bonheur qui m'ont submergé.

The Thing est en un sens un remake, c'est vrai. Les scènes rappellent presque toutes des scènes du 1er. Tantôt l'autopsie, avec la découverte des propriétés étonnantes de la créature, tantôt la scène du test où la tension est à son maximum, et une multitudes de plans et de situations qui rappellent directement The Thing de John Carpenter. Prise de risque minimale? Non, pas vraiment non plus. Le scénario est très intéressant, et ces hommages répétés se fondent parfaitement dans le film qui trouverait sa place même si l'original n'existait pas.

The Thing est également un prequel admirablement amené, se passant juste avant le film de Carpenter. Il reprend là aussi les lieux, les personnages, les évènements qui ne sont que supputés ou évoqués dans la version de 1982. Il réussi néanmoins à se connecter parfaitement dans la mythologie créée par Carpenter, contrairement à certains prequels/sequels qui altèrent l'idée originale d'un réalisateur *tousseAliens!tousse*.

Et c'est finalement la grande force de ce film. Tout le monde ne sera pas d'accord, j'en conviens, mais à mes yeux The Thing est à la fois un remake très respectueux de son modèle, auquel les références sont multiples, mais c'est aussi un très bon prequel s'intégrant parfaitement dans l'histoire, et on peut sûrement regarder celui ci puis celui de 1982 à la suite comme deux parties d'un grand film (et même jouer au jeu sur PS2 ensuite pour boucler la "trilogie"), et c'est enfin un bon film, bien filmé, bien interprété, puisant dans d'autres références cinématographiques.






Notation

Réalisation : 8/10

Dés les premières secondes du film, le style est clairement posés. Reprenant l'introduction du premier volet, avec le survol du continent glacé en hélicoptère, c'est cette fois ci une succession de plans en snow-cat qui permettent de découvrir les étendues gelées qui vont servir de prison aux protagonistes. Reprenant ensuite l'ambiance glauque de claustrophobie dans la station isolée du film de Carpenter, l'image est bien conçue et dotée d'une tension très bien amenée. Les effets spéciaux jouent également un rôle important, puisque mêlant avec grâce images de synthèse et trucages mécaniques, dans la veine du film de 1982, pour plus de réalisme. 
  
Son : 9/10

La note quasi maximale parce que c'est le thème original d'Ennio Morricone qui accueil le spectateur dans le film, plongeant indubitablement celui-ci dans un état de peur instinctive. Le reste de la musique originale est également réussi, tout comme les bruitages qui rappellent également l'illustre modèle, créateur de frissons.

Scénario : 8/10

Le scénario souffre éventuellement de point d'ombre ou d'incohérences, mais celles ci ne sont au final que minimes tant on est agréablement surprit au contraire par la capacité à relater des faits cohérents avec le film de Carpenter. Si l'architecture du script est par ailleurs plus ou moins identique à l'initiale, elle garde sa crédibilité et tient debout du début et ce jusqu'au final, même s'il surprendra plus d'un.

Interprétation : 7/10

Si les acteurs sont pour la plupart plus ou moins inconnus, ils sont néanmoins à la hauteur de la production. Contribuant au climat de paranoïa propre au concept initial, la peur et la suspicion véhiculée dans le film est à la hauteur du premier volet. Petite mention spéciale au couple de héros Mary Elizabeth Winstead et Joel Edgerton qui sont une sorte de symbiose entre Helen Ripley et McReady version 2011, et on apprécie.  

Note générale : 8/10

Très bon film, très bon prequel, très bon remake également. Bien sûr, il est impossible d'égaler celui de Carpenter, avec toute la légitimité de celui-ci comme maître du thriller horrifique, mais la qualité déborde de toute part. S'inspirant de son ainé, il emprunte à différents univers pour devenir un pur film de science fiction réussi.





 "Not all of us are human"
 

Drive

Drive

Nicolas Winding Refn
2011

Film : Américain
Genre : Thriller sombre
Avec : Ryan Gosling





Synopsis

Il gagne sa vie en réalisant des "courses" pour la mafia. C'est un homme mystérieux, peu loquace, méthodique, presque froid. Mais il a ce regard doux et cette gueule d'ange qui attire l'oeil de sa charmante voisine, et ce, alors que son mari va bientôt sortir de prison.

Avis

Ceux qui ont prit ce film pour un énième Transporteur ou Fast & Furious ont vite déchanté. Mais comme le film surprend par son rythme posé et son ambiance glauque dans les rues sombres d'un Los Angeles loin d'être paradisiaque, on découvre une image travaillée, baignée dans le cinéma des années 80. Les références sont nombreuses dans le cinéma de Kubrick, Coppola et Scorcese. On pense à l'ambiance et au héros désenchanté de Taxi Driver, mais Ryan Gosling dépasse les classiques en interprétant ce sombre héros.
  
Le réalisateur nous embarque dans son film de mafieux, où les magouilles et les meurtres se succèdent, sans qu'on se rende compte. On se retrouve aspirés par une ambiance unique et étouffante. Mais le changement fait un bien fou par ou il passe. Aux antipodes des films holywoodiens, Drive raconte avec brutalité et poésie sa sordide affaire et les destins croisés de ces personnages au passé flou.

La musique a par ailleurs une influence particulièrement importante dans l'ambiance à la fois innocente et terriblement glauque. Rappelant parfois les films de Sofia Coppola (comme un Somewhere avec des mafieux vraiment pas gentils) la musique sépare ce film de la norme en le faisant baigner dans le halo des phares par une nuit fraiche d'automne.

Au final, c'est un film champagne façon brillant, doux mais qui monte à la tête (dans le bon sens du terme) et on est émerveillés par le talent du jeune acteur et de son non moins talentueux et prometteur réalisateur. Tout est dit, c'est une admirable pellicule livrée par Holywood, qui gagne a aborder des thèmes plus sombre qu'à l'habitude. Une franche réussite.


  
  
  
Notation

Réalisation : 9/10
  
Drive est beau. C'est un film superbement filmé qui plonge dans une ambiance en clair-obscur, baigné tantôt d'une douce lumière naturelle, tantôt de la lumière froide des phares dans la ville. Les paysages choisis portent amplement cette ambiance à la fois paradisiaque et urbaine, et le rythme du film lie ces éléments avec force.

Son : 9/10

Superbe musique. Elle accompagne le rythme lent et aérien de la trame visuelle. Le ronronnement des moteurs est également présent, mais il a la particularité de se faire discret, suave. Du coup le montage sonore parfaitement homogène sert admirablement un film parfaitement bien orchestré.

Scénario : 8/10

C'est bien ficelé. L'intrigue se dévoile petit à petit, prenant son temps, sans pour autant s'étaler sur la longueur. On est alors immergé dans un maelström qui nous aspire sans cesse vers plus de noirceur et de force. On sort de là différent, mais c'est le propre des bonnes histoires.

Interprétation : 9/10

Ryan Gosling, gueule d'ange si peu bavarde, est évidemment la révélation de ce film. Mais le reste du casting a lui aussi une formidable propension à montrer sa classe. Bryan Cranston ou Ron Perlman sont à la hauteur d'un tel film avec l'ambition qu'il a. Même si on voit certaines têtes inconnues qui sont convaincantes sans briller, la complémentarité que montrent les acteurs entre eux créer un lien qui solidifie la crédibilité globale que cherche à faire passer le réalisateur.

Note générale : 9/10

Peut être l'un des films de l'année. Drive est en tout cas sans conteste un film qu'on n'oubliera pas. Il se démarque largement de ce qui passe actuellement dans les salles obscures et a le potentiel pour devenir le film culte d'une génération à la manière d'un Scarface en son temps. J'ai tendance à penser qu'un bon film peut se regarder sans le son et s'écouter sans l'image. Ici le pari est gagné à chaque fois.


   


"My hands are a little dirty."

16 oct. 2011

Alien vs. Predator - Requiem

AVP - Requiem

Colin & Greg Strause
2007

Film : Américain
Genre : Film de zombies mais avec des aliens
Avec : Steven Pasquale





Synopsis
   
Les Predators en orbite autour de la terre récupèrent leurs morts suite au combat de la pyramide de l'Antarctique. Mais un passager clandestin a investit le vaisseau : un alien incubé dans un Predator. Redoutable, il cause à lui seul le crash du vaisseau quelque part dans le Colorado. Aucun survivants à bord en dehors du Predalien et quelques facehuggers qui investissent la ville voisine.

Avis

C'est un sentiment étrange que de voir un mauvais film. Voir des mauvais acteurs cabotiner, voir le scénario courir après sa queue comme un jack russel sous l'emprise de stupéfiants, voir des monstres aussi mal designés filmés avec un manque total d'esthétisme dans une pénombre quasi totale qui, au lieu d'entourer de mystère des monstres qu'on connait par coeur, ne fait que rajouter à l'imcompréhension totale.

De base, le pitch part sur une mauvaise idée. Le film d'invasion zombie dans une bourgade péquenaude, les morts-vivants remplacés ici par des créatures qui ressemblent vaguement à des Aliens, eux même poursuivis par un Predator armé jusqu'aux dents. Pourquoi une mauvaise idée? Parceque l'ensemble de la saga Alien avait pour but d'éviter que les xénomorphes foulent le sol de la planète bleue. Alors certes, le premier AVP faisait déjà cet affront, mais son environnement fermé, gelé et exotique permettait au moins de justifier qu'ils n'aient pas conquis la planète. Ici, le pire n'est pas évité, et dans la théorie, notre monde devrait être condamné.

Mais non. Pas de reine pour insuffler la peur d'une contamination a grande échelle. Alors oui, le Predalien a une conception un peu originale de l'insémination artificielle, mais pas de quoi crier au génie de l'horreur. Restent donc les Aliens moches (oui, ils sont très mal faits) qui tuent à droite à gauche. Chose commune au premier AVP, les seconds rôles voués à la boucherie sont aussi remarquables qu'un arbre en forêt. Surtout que si les barbouzes avaient au moins le mérite d'opposer une certaine résistance, les ados et les ivrognes ne savent que faire le cri de Willem.

Et il n'y a ici même pas à attendre de coté sympathique d'un bon nanard. On l'a dit, c'est trop mal filmé pour apprécier l'action, et le film arbore un caractère bien trop sérieux pour s'amuser des situations.
   
 
 
   
   
Notation

Réalisation : 3/10

L'image est moche. Les frères Strause viennent du monde des effets spéciaux, mais AVP Requiem est leur premier film, et il arrive peut être trop tôt (Skyline leur second rejeton est d'ailleurs bien plus réussi au niveau de l'image et de l'ambiance qu'elle créer) mais ce qu'on retient c'est qu'on voit à peine les Aliens (pas plus mal, y sont horribles) que la caméra bouge sans arrêt en sous exposition, et qu'il n'y a pas d'ambiance.

Son : 3/20

La musique est moche. Oui, elle aussi. Elle se veut inquiétante, elle se révèle énervante. Les bruitages sont à l'image du montage vidéo : épileptiques et haché. Même la façon d'entendre le Predator est raté.
Scénario : 1/20

Difficile de faire pire, vraiment. Non seulement l'histoire est réchauffée (vous savez, film de zombies dans une ville américaine, toussa) mais en plus toutes les "idées" originales sont elles aussi repompées sur les anciens épisodes et agencées n'importe comment. On ne peut même pas dire que le film ait une cohérence puisque les scènes s'enchainent sans qu'on comprenne vraiment pourquoi. Bref, ma cousine de 8 ans ferait mieux.

Interprétation : 3/10

Le casting est à la hauteur du reste du film : acteurs de seconde zone vus dans des plus ou moins petits rôles de séries. Ca cabotine pas mal, et ça manque de conviction face aux bêbêtes.

Note générale : 2/10

Impossible de considérer ce film comme un bon divertissement. C'est plus une torture qu'autre chose. Si le premier AVP avait fait gronder des dents, pour celui ci, on fini édentés à force de broyer ses chicots.





"That's crazy! The government doesn't lie to people!"


 

11 oct. 2011

Alien VS. Predator

Alien vs. Predator

Paul W.S. Anderson
2004


Film : Américain
Genre : Cross-over de la Science-fiction horrifique
Avec : Sanaa Lathan





Synopsis

Charles Bishop Weyland est un magnat de l'industrie mourant. Il rêve de marquer l'Histoire d'une pierre blanche, et de ne pas rester dans les mémoires que comme simple industriel. C'est pourquoi lorsqu'un de ses satellites repère une pyramide mystérieuse aux confins de l'Antarctique, il s'adjoint les services des meilleurs  mercenaires, explorateurs, archéologues et scientifiques du monde pour mener en urgence une expédition dans la structure. Il ne s'attendait cependant pas à devoir affronter deux créatures mortelles.
 
Avis

AVP est un projet controversé. Né de l'imagination des fans des deux sagas, ce cross-over a dans un premier temps été publié sous forme de comic en 1989, où les Yautjas, la race du Predator affrontent des hordes d'Aliens. Dix ans plus tard, c'est un premier jeu vidéo sur PC qui reprend le concept du comic afin de livrer un FPS où l'on peut incarner au choix un Predator invisible doté de gadgets mortels, un Alien extrêmement mobile et rapide, ou un pauvre marine armé d'un malheureux fusil d'assaut, affrontant des couloirs remplis de monstres.

Avec le succès des comics, et du jeu, les producteurs de cinéma voient très vite le potentiel d'un cross-over entre les deux monstres sacrés du cinéma de SF horreur 80's. A la fois excités et inquiets, les fans voient donc en 2004 débarquer dans les salles obscures les deux créatures réunies sous la même pyramide polaire.

Le résultat est... Ambivalent et inégal. Car finalement c'est un épisode plutôt "cohérent" de la série Predator, mais une aberration totale à la franchise Alien. Par ailleurs si ça donne un film d'action sympathique dans la veine des Predators, c'est d'un creux!

Le film pèche par son scénario simpliste, à la fois inspiré d'un jeu vidéo: "niveau 1, joueur 1: ready, go!" et des personnages aussi vides que l'espace inter-sidéral. En fait, le film monte en tension en s'architecturant de manière alléchante, mais s'écroule comme un soufflé une fois dans la pyramide. Les personnages secondaires ne sont pas attachants pour un sou alors leur mort nous indiffère, et l'héroïne se retrouve bien vite face au "boss de fin de niveau", surprise surprise, il s'agit d'une Reine Alien. Pour l'originalité on repassera. Bim boum, plus de boss de fin, suspens qui présage une suite (pourquoi Paul WS? Pourquoi laisser envisager une suite? T^T ) et roll credits.
  
Mais en allant à la pêche aux points sympathique on ne rentre pas non plus complètement bredouille. Et là, le principe même du fait que les gens ont kiffé les comics et les jeux s'impose : voir les Aliens et les Predators se friter. C'est littéralement le nerf de la guerre. On se prend vite au jeu de compter les points, indifférents que nous sommes au sort des barbouzes moches et des têtes d'ampoules qui ont le malheur d'arpenter la pyramide. Mais la classe des 2 monstres fait le reste. Et c'est bien ce qu'on pensait par ailleurs. Le combat s'avère bien au sommet.
  
C'est à peu près tout. Jouissif pendant la demie-heure d'action pure et dure et parce qu'Aliens comme Predators ont un look d'enfer dans le film, il déçoit car il construit une ambiance sur la première partie qui ne se retrouve pas dans la seconde, sacrifiée sur l'autel de l'awesomeness des têtes d'affiche. Un film qui fait dire "mouef".










Notation

Réalisation : 7/10

Pas mauvaise mauvaise, elle construit un climat de tension jusqu'à l'attaque des face-huggers, mais n'arrive pas à sauver les lacunes du scénario. Paul W.S. Anderson n'est pas un réalisateur manchot, mais il doit avoir une addiction au jeu vidéo qui le pousse à vouloir réaliser des films à "niveaux". Event Horizon le sauve un peu, et cet AVP n'est pas non plus moche, mais il n'y insuffle pas de quoi transcender son sujet.

Son : 5/10

On ne peut pas dire que la BO soit folichonne. Par ailleurs si on retient un truc dans ce film, c'est l'horrible accent de certains membres du casting : "yé soui oune italien". Pas un régal pour les oreilles.
  
Scénario : 3/10

Aïe, on touche le fond là. Les Predators sont à l'origine de toutes les civilisations terriennes et ont construit un temple en Antarctique pour y affronter des Predators lors d'un rite initiatique, et bien sûr, des humains s'y précipitent gaiement. WTF?
   
Interprétation : 6/10

Sanaa Lathan est mignonne. Pas mignonne bimbo (ça aurait été con vu qu'elle est en doudoune tout le film) mais mignonne mignonne, et elle joue pas trop mal la mignonne pas bimbo qui se retrouve face à des bêtes méchantes. Lance Henriksen tient son rôle, mais est trop peu présent pour sauver le reste du casting qui s'enfonce dans les clichés et la nanardise.

Note générale : 5.5/10

Un divertissement tout juste moyen, qui n'a pas le mérite d'apporter quelque chose à l'édifice Predator comme le 2 l'avait fait, et encore moins à celui d'Alien dont il s'apparente plus à un lointain cousin issu de germain qu'un véritable opus. Un nanar sympathique en somme qui peut passer entre potes ou lors des longues soirées d'hiver quand tous les "bons" films de la vidéothèque ont été vus et revus 1000 fois.





"Non vedo l'ora di uscire da questo piramide con te, perché mi sto cagando addosso." 
 

 

7 oct. 2011

Blade Runner

Blade Runner

Ridley Scott
1982

Film : Américain
Genre : Science Fiction K Dickienne
Avec : Harrison Ford, Rutger Hauer
   
  



Synopsis

Los Angeles 2019. Rick Deckard est un blade runner à la retraite. Mais sa chasse aux réplicants, des androïdes interdits sur Terre suite à leur soulèvement, a eu raison de son mariage et de sa joie de vivre. Rick était le meilleur, et il pensait que laisser les clés de la "maison" à Holden lui permettrait de dormir sur ses deux oreilles (comme si c'était possible dans le Los Angeles de 2019!). Mais Holden vient de se faire tuer par un des 4 Nexus 6, modèle le plus élaboré de réplicant, en fuite sur Terre. Quelque peu à contre-cœur, Rick reprend du service pour une dernière mission de chasse à l'andro.

Avis

Difficile d'aborder Blade Runner de front. Blade Runner, c'est un diamant noir avec des dizaines de facettes qui restent imperceptibles tant qu'on ne la met pas en pleine lumière. Véritable monument de science-fiction moderne, le film évoque tant de thèmes et de caractères différents qu'un, deux, peut être même cinq visionnages agrémentés par la lecture d'analyses filmiques ou le décorticage du making-of ne suffisent pas à l'aborder de plein abord. Sa saveur complexe se déguste avec patience et expérience, si bien que le film n'a pas vraiment vieilli en près de 30 ans.

Dans un premier temps, impossible de ne pas évoquer l'inspiration principale du film, puisqu'il s'agit d'une adaptation du roman Les Androïdes rêvent-ils de mouton électrique? de Philip K. Dick. La science-fiction des romans de K. Dick a un coté visionnaire. Pessimiste et aliéné, certes, mais c'est tout de même une vision du futur drôlement réaliste qui s'impose à nous dans ses œuvres, et ce roman là nous plonge dans un monde cyber-punk post-apocalyptique, où la Terre a été ruinée par une guerre nucléaire, plongeant la planète dans une sorte d'hiver atomique, et où le seul salut possible se trouve dans l'exil sur les colonies.

Mais le monde glauque dépeint par le roman n'est pas l'atout principal de celui-ci. Pas directement (à la différences des films de référence du cyber-punk tel Mad Max) car c'est plus un prétexte pour instaurer ce climat dépressif et nihiliste qui habite la plupart des protagonistes. Dans le roman, chose qu'on ne retrouve pas dans le film mais sur lequel je tiens à m'attarder, une religion  appelée Mercerisme guide les fidèles dans une forme d'empathie mutuelle de toute les personnes connectées mutuellement afin d'alléger leur souffrance. Cette oeuvre de K. Dick comme toutes les autres mériterait à elle seule un article, mais il ne s'agit pas ici de faire un blog littéraire. (Mais j'insiste, lisez le bouquin!) Parenthèse sur le roman terminée, attardons nous plus spécifiquement à son adaptation.

Encore une fois Ridley Scott s'attache à nous donner un film personnel. Très personnel. Trois ans après Alien, il reste dans le pessimisme et la noirceur du futur. Il convient de séparer les principaux lieux où se déroulent l'action, car chacun apporte une ambiance, propre à un ou plusieurs personnages.
  • Chinatown. Ce sont les rues de Los Angeles, dans le quartier spécifique de Chinatown. La plupart des extérieurs se passent là bas. L'ambiance y est multi-culturelle, entre chinois, japonais, et le langage mix de plusieures langues, français, anglais, espagnol chinois, japonais etc. Il y fait tout le temps nuit, il y pleut souvent et le seul éclairage qu'on y trouve est celui des néons publicitaires. Dans cet environnement, Gaff, l'étrange Blade Runner du LAPD qui vient chercher Rick pour le remettre dans le circuit semble être le maitre. On y trouve également plusieurs réplicants. Zhora ou Leon qui s'y font tuer sont également deux penchants de cet univers bruyant et sale.
  • La Tyrell Corporation. Basé dans une pyramide surplombant Los Angeles, Tyrell ressemble à un Dieu sur son Olympe, depuis lequel il observe ses anges déchus, les Nexus 6, venir finalement à lui. Ce personnage mégalo-maniaque vit en pacha dans sa luxueuse pyramide, baignée d'un perpétuel soleil couchant, qui contraste fortement avec la nuit des rues de LA. Au début du film, Rachel et le hibou sont les résidents de cette citadelle inexpugnable, mais Rachel suit Deckard dans ses pérégrinations, comme un ange décendant de son paradis pour rejoindre le monde des hommes en découvrant sa véritable identité (ce qui va avec l'idée que Roy Batty se fait de la nature même des réplicants).
  • Les appartements de Deckard et de J.F. Sebastian. Chacun de ceux-ci a son ambiance propre. Celui de Deckard est emprunt de mélancolie, et Rachel s'y greffe peu à peu, devenant membre à part entière de la mélancolie de Deckard. Celui de Sebastian, à la fois génial et fou est, à l'image de son propriétaire, un grand hôtel particulier où la solitude et le froid règne. Les couleurs sont froides, comme la froideur criminelle de Pris ou de Roy qui en font leur foyer, alors que l'appartement de Deckard aux tons sépia évoque la douceur mélancolique des souvenirs.
Rick évolue d'un décor à l'autre, s'imprégnant à chaque scène du décor. En conséquence, son personnage n'a pas de lieu d'attache propre, lui donnant cet air perdu et résigné qu'il arbore tout le long du film, mais d'une certaine manière cette façon de s'approprier des lieux tellement liés à leur personnage renforce le doute qui plane sur sa nature. Humain ou réplicant?

Car c'est bien évidemment toute la question qui se pose quand on voit la version Director's Cut sortie en 92 (loin de celle, édulcorée, sortie au cinéma par la production pour les teens fans du bel Harrison) Le doute est permanent. Chaque action, chaque aspect symbolique, dont le film regorge, nous mène à la même question: Deckard est-il un modèle de réplicant conçu pour "retirer" les autres androïdes?

Les avis sont bien entendu très partagés sur la question. Et les arguments valent autant pour que contre. Deckard ne répond pas à la question de Rachel qui lui demande s'il a déjà passé le Voight-Kampf. Si les yeux des réplicants brillent, à la manière de ceux de la chouette dans la lumière, quand ils subissent un stress émotionnel, l'air résigné et mélancolique de Deckard ne permet pas de dire qu'il soit troublé à aucun moment du film, et ce, même lorsqu'il plonge son regard dans celui de Rachel. Si Rachel est pour lui une sorte d'énigme, elle semble le hanter plus que le troubler. Le couple qu'il forme avec Rachel est par ailleurs d'autant plus complémentaire si Deckard est lui même un réplicant qui, à l'instar de se belle, ne connait pas sa vraie nature, et se cherche, mélancolique de souvenirs qui ne sont -peut-être- pas les siens. Nombre d'allusions au cours du film semblent d'ailleurs y référer, mais c'est bien entendu la fin de la version Director's Cut qui sème le plus de trouble tant dans l'esprit de Deckard que dans celui du spectateur, avec les mots de Gaff résonnant dans sa tête, et l'origami de la licorne dont Deckard rêve toutes les nuits.
La différence entre Roy Batty et les autres Nexus 6 avec Deckard ne suffit pas à justifier d'ailleurs que Deckard ne soit pas l'un d'eux. Roy Batty et ses acolytes ne se cherchent pas de la même manière que Deckard. Ils sont conscients de leur vie, se rendent comptent de la nature de la mort qui les rattrapent, et développent à cette occasion des sentiments qui leurs étaient jusqu'alors inconnus. Tristesse, peur, haine (quoi que la haine, ils semblaient connaitre). Rachel dont les souvenirs ont été implantés ne connait pas cette bataille pour découvrir ses propres sentiments. Elle en devient d'autant plus difficilement détectable en passant le test. "More human than human" étant la devise de la Tyrell Corp. Ainsi, la différence à la fois énorme entre Deckard et Roy Batty, mais aussi extrêmement fine puisque le Blade Runner, dans son métier fini par ne plus ressentir d'empathie, ne suffit pas à justifier les similitudes que partage Rick avec Rachel et les autres Nexus 6.

 Abordons pour finir l'ambiance de film noir que revêt le film. Véritable hommage au cinéma de la fin des années 40, Blade Runner présente un anti-héros enquêtant sur une sombre affaire. L'atmosphère de la ville (le choix de Los Angeles pour la version cinéma alors que le livre se passe à San Francisco n'est pas étrangère à cette volonté d'ambiance très "LA Noire") au mois de novembre, sous une pluie constante, dans les bas-fonds d'une cité industrielle dévorée par les néons de la publicité, écho d'un genre années 40-50, qui a inspiré beaucoup d'hommage dans beaucoup de domaines. La bande son a également une grande importance dans l'ambiance qu'elle crée, car si une bonne partie est jouée au synthé, synonyme de modernité et de futurisme, les airs sont eux ceux qui étaient joués autrefois sur un saxophone alto, comme lorsque Pris fait son apparition, sous la pluie avec ses grands yeux de biche pour séduire JF Sebastian.





Notation

Réalisation : 10/10

Encore une fois avec Ridley Scott, difficile de faire mieux. Mais plus encore cette fois ci, le cinéaste livre une copie sans fausse note, bien que très personnelle. Il enfonce le clou, avec ses atmosphères brumeuses, à la fois froides et suffocantes, et impose à ses acteurs une sorte de mise en condition totale qui donne une bouffée de réalisme à l'ensemble. Même s'il n'a pas réalisé d'autre film de SF depuis celui-ci (en attendant Prometheus) Ridley Scott avec Alien et Blade Runner, s'est installé comme parrain d'un style, glauque et réaliste, qu'il maitrise à la perfection.

Son : 9/10

La bande son de ce film se compose de notes de synthé, tantôt énigmatiques, tantôt mélancoliques, à la manière d'un solo de saxophone de film noir. Si aujourd'hui les sons vraiment typés 80's du clavier peuvent prêter à sourire, la cohérence de la musique va au delà et on se laisse porter par l'ambiance qu'elle créer. En dehors de ça, le montage sonore retranscrit la grouillante ville de Los Angeles en 2019, avec son argo polyglotte et ses slogans publicitaires.

Scénario : 10/10

Complexe et torturé, sombre et savoureux, le script de Blade Runner est une sublime adaptation d'un roman de Philip K. Dick. S'il ne reprend pas au mot près la trame du livre dont il s'inspire, il garde l'ambiance pesante, et surtout l'ambivalence et la complexité des personnage, leur appréhension du monde et des concepts comme la vie, la mort, la religion, la dépendance, la place de la science... Sûrement une des adaptations de K. Dick les plus réussies en ce sens là.

Interprétation : 10/10

Tout simplement parfait. Harrison Ford, bien loin de son image de voyou au grand coeur de SW ou d'aventurier baroudeur d'Indiana Jones, campe ici un exécuteur de la police à l'identité perturbée. Amoral, même son histoire d'amour peine à lui faire retrouver l'humanité que son personnage n'est pas sûr d'avoir jamais possédé (au propre comme au figuré). Face à lui, Rutger Hauer, lunatique dément rongé par la conscience de sa propre identité, dévoré par la certitude de la mort, et de voir disparaitre le moindre de ses souvenirs (dont il sait pour sûr que ceux-ci sont vrais) incarne ce réplicant froid et frénétique sans fausse note, éxagérant seulement quand cela colle au besoin du personnage, restant ainsi parfaitement crédible et effrayant, car la folie qu'il démontre ne semble pas simulée. A côté de ces deux immenses acteurs, Sean Young et   Daryl Hannah, deux alter égos de leur mâle alpha, jouent également à la perfection la femme tantôt forte, tantôt fragile. Les deux actrices se ressemblent (dans le livre, elles sont physiquement identiques) mais leurs différences soulignent au mieux leur talent particulier. Enfin, malgré un rôle tenant peu de pellicule, Edward James Olmos se démarque lui aussi avec sa dégaine, son langage caractéristiques et ses insinuations, et là encore, interprété avec un brio sans failles, par le futur Général Adama, à la fois envoutant et repoussant.

Note générale : 10/10

Une critique aussi dithyrambique ne peut se valoir que lorsqu'on a autant affaire à un chef d'œuvre semblable. Évidemment que ce film est parmi mes préférés, on s'en doute sûrement en voyant comment ce film peut me faire écrire des lignes et des lignes, et honnêtement j'en aurais encore sous la pédale, mais objectivement, il mérite une note maximale, car il est une sorte de synthèse de ce qu'on fait de mieux dans le cinéma de science-fiction. Rarement film de SF a été plus actuel. Pourtant il n'y a pas d'effets spéciaux ayant couté des milliards de dollars. Juste beaucoup de talent, dans tous les compartiments du jeu. Non seulement Blade Runner se base sur une superbe histoire de Philip K. Dick, auteur faste de la SF noire, mais il la transcende sans la dénaturer. Je crois que regarder ce film, c'est accomplir une petite partie de sa vie.





"Fiery the Angels fell, deep thunder rolled around their shores, burning with the fires of Orc"