L'Exorciste
William Friedkin
1973
Film : Américain
Genre : Thriller horrifique old-school
Avec : Ellen Burstyn
Synopsis
Pendant le tournage d'un film à Washington, l'actrice Chris MacNeil vit en compagnie de sa fille dans une maison des beaux quartiers avec majordome et gouvernante. Si la petite Reagan a tout d'une jeune fille modèle, son comportement évolue, accompagné de phénomènes étranges dans la maison, ce qui alarme Chris qui décide de la faire consulter médecins et psychiatres. Ceux ci diagnostiquent un trouble comportemental, mais elle refuse catégoriquement de faire interner sa fille dont l'état empire. Lorsque son metteur en scène est tué alors qu'il se trouvait seul dans la maison en compagnie de Reagan, Chris décide de se tourner vers le père Karras, prêtre psychiatre encore marqué par la mort de sa mère, pour qu'il pratique un exorcisme.
Avis
Il y a des films qui font référence dans le cinéma d'angoisse. Si Hitchcock dans les années 50-60 a posé les fondement du thriller d'horreur, L'Exorciste est l'héritier le plus direct de ce genre, incorporant une dimension fantastique qui porte le thriller à un autre niveau d'angoisse, et sert de fait de pont vers la vague de films d'horreur de la fin des années 70 et le début des années 80. Bref, L'Exorciste est une légende qui traverse les décennies en inspirant toujours les mêmes frissons au spectateur, jeune ou vieux qui découvre son histoire.
Ce n'est un secret pour personne, la marque des grands films est précisément leur intemporalité, dans la réalisation comme dans l'écriture. Et si les effets spéciaux accusent leur age, ce qui est particulièrement vrai pour un film qui va bientôt fêter ses quarante bougies, on se trouve ici face à un grand film qui peut sans doute dérouter, déranger, et certainement effrayer, mais qui touche par la complexité des thèmes abordés, et la qualité de sa facture.
A titre personnel j'ai vu le film il y a une dizaine d'années lors de sa ressortie en salles version director's cut. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'à 14 ans on ne perçoit pas un film comme ça de la même manière qu'à 25. Par conséquent, ma première découverte de L'Exorciste avait été ternie par le phénomène qu'on va qualifier de "Scary Movie effect" à savoir une époque propice au ciné pop corn, à l'hémoglobine facile et perverse au degré de subtilité zéro. Ainsi donc, le poids des années (si si) ayant fait quelque peu évoluer la façon dont mes neurones gambergent, j'ai pu me re-pencher sur ce film avec une délectation à la fois nouvelle, et des souvenirs très vagues de passages angoissant imprimé en blanc sur noir dans le fond de ma boite crânienne.
Ce qu'à 14 ans on ne comprend pas en voyant un monument comme celui là, c'est dans un premier temps la lenteur. Le film a un rythme lourd, pesant, mais qui s’accélère presque mathématiquement à chaque minute du film jusqu'à l'apothéose de l'exorcisme final avant de redescendre brutalement le temps de l'épilogue. Ensuite, on a du mal ayant été habitué aux effets spéciaux des années 90 et 2000 à revenir à une forme d'effets plus artisanaux. Quand bien même! Le maquillage et les scènes de lévitation ont le mérite d'être superbement bien faites, et il n'y a pas le petit truc qui gâche tout comme parfait dans les effets beaucoup trop kitch.
Enfin, et c'est sans aucun doute l'aspect le plus important, à cet âge là on ne perçoit pas la symbolique qui transpire d'un bon film tel que celui ci. Si certains pourraient avancer que la religion est le thème central de ce film, c'est avant tout un film sur les liens parentaux. En effet, les deux personnages principaux, Chris et le père Karras ont un lien qui les lie fortement à leur famille car ils sont leurs seuls points d'ancrage. Reagan est la raison de vivre de Chris, son point de repère dans une ville qui n'est pas chez elle, et ne pouvant compter sur son mari dont on ne sait que peu de chose mais dont on devine les relations tendues et la froideur qu'il entretient avec elle et y comprit avec sa propre fille. Karras en revanche vient de perdre sa mère qui était là aussi son seul lien avec l'espoir et l'amour. L'abnégation qu'il met pour sauver Reagan est une représentation à la fois de sa volonté de sauver ce lien pour Chris et sa fille, et en même temps d'expier la culpabilité qui le ronge par rapport au décès de sa mère. La figure du père Merrin en revanche représente le divin, qui s'oppose au diable de manière frontale en dirigeant l'exorcisme, à la façon dont il se dresse à la fin de la séquence introductive en Irak, face à la statue du démon Pazuzu dans le soleil couchant, sur le même pied d'égalité.
En ce sens, la séquence finale du film est peut être ce qu'il y a de plus dérangeant, si on exclue toutefois une gamine de 13 ans invectivant un prêtre de "sucer des queues" et autres amabilités du genre. A la fois très pessimiste mais ponctué par une note d'espoir, le film assume son ambiance glauque et malsaine qui a marqué les esprits et en a fait cette légende du cinéma d'horreur. The Exorciste n'est pas à mettre entre toutes les paires d'yeux. Il a pour autant le mérite d'offrir aux cinéphiles attentifs un très bon film, pilier de dizaine de films d'horreur, de Paranormal Activity à Insidious en passant par les classiques des années 80 comme Hellraiser ou Shining.
Notation
Réalisation : 9/10
Graphiquement le film est une réussite sur quasiment tous les points. Les prises de vue son superbes, l'ambiance admirablement bien travaillé, les décors crédibles et inquiétant. Les effets spéciaux accusent le coup, mais à quel point? La célèbre scène de la lévitation est poignante et la métamorphose de Reagan, bien que vieillotte, permet de se plonger dans la lente descente aux enfers de la fillette.
Son : 9/10
Oscar de la meilleure bande sonore, L'Exorciste bénéficie, cela va sans dire d'un son très bien travaillé. La musique du thème, Tubular Bells de Mike Oldfield est un classique absolue. Les râles du démon et la violence des propos glace encore le sang malgré la violence verbale quotidienne du monde actuel, et globalement la qualité sonore renforce cette ambiance pesante, notamment l'absence de musique à certains moments clés.
Scénario : 8/10
L'adaptation du livre de William Peter Blatty a elle aussi glané l'Oscar, et il est vrai que l'histoire assez basique de pré-adolescente en proie au diable trouve ici une écriture très inspirée qui s'emballe de plus en plus vite comme la fin approche. L'introduction du film dans les fouilles irakiennes, en sus d'être très esthétique, est un élément vraiment en plus dans le scénario qui aurai pu tomber dans la facilité de la platitude. Mais l'histoire regorge de détails, de nuances, et si la réalisation pèche à donner au premier abord toute la complexité des personnages, au fil des visionnages on prend la dimension de la qualité de leur conception.
Interprétation : 8/10
A la fois très réussie et peut être légèrement sous-exploitée, l'interprétation tient sur les rôles clés de ses personnages principaux, incarnés par la parfaite Ellen Burstyn et l'impressionnante gamine campée par Linda Blair. A coté de ces deux femmes très convaincantes, Jason Miller peine parfois à trouver la plénitude de son jeu. A moins que ça ne soit dû à une relative mise en retrait du personnage. De même Max von Sydow interprétant le père Merrin aurai mérité un rôle plus construit, mais sa brève et intense prestation crève l'écran.
Note générale : 8/10
La qualité de L'Exorciste est d'être fait du métal inoxydable qui forge les légendes. Ses propriétés sont la conservation et la solidité au fil des ans, et le gommage à travers le halo légendaire des imperfections. Attention à la fragilité relative de ces constructions face au regard acerbe des jeunes pousses critiques qui amplifieront avec justesse les maladresses du film pour en altérer la qualité. Vous aurez comprit que je ne suis pas de ceux là. Ceux qui pensent pouvoir voir ce film sont invité à le faire avec empressement.
"My idea of Heaven is a solid white nightclub with me as a headliner for all eternity, and they *love* me"
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