Fight Club
David Fincher
1999
Film : Américain
Genre : Drame nihilo-anarchiste
Avec : Edward Norton, Brad Pitt
Synopsis
La vie d'expert en assurances n'a rien de bien folichonne. On a un appartement meublé par IKEA dans un building du centre-ville, on passe sa vie dans les aéroports à rencontrer des individus aussi jetables que la brosse a dent fournie par la compagnie aérienne, et on guérit ses insomnies et sa solitude en fréquentant des groupes de soutien pour les cancéreux, les maniaco-dépressifs, les junkies repentis etc. Mais que fait on lorsque son appartement explose et que toutes ses possessions matérielles son annihilées en un instant? Peut-on réellement contacter un anarchiste loufoque rencontré dans l'avion, sans que cela implique certaines conséquences sur son mode de vie?
Avis
La première règle étant de ne pas parler du Fight Club, je ne parle pas du Fight Club.
...
La deuxième règle du Fight Club étant de ne pas parler du Fight Club, je ne parle toujours pas du Fight Club.
...
Ceci étant, ma condition de bavard invétéré (à ne pas confondre avec les bavard invertébrés du type mollusque de la politique, très nombreux dans les médias ces derniers temps) me pousse à dire deux/trois trucs quand même.
Fight Club est un monument. Mais pas une belle construction défiant les lois de la pesanteur. Plus comme un bâtiment en ruines, couvert de tags et jonché d'immondices. Un vestige impie d'une époque révolue, complètement dépassé, devenu la risée du voisinage. Fight Club est une sorte de bloc de béton crado trônant dans le jardin de la bien-pensance.
Parce qu'aujourd'hui le monde a prit un coup de vieux. Bloqué dans ses stéréotypes et son conformisme puritain, il accepte de moins en moins le Fight Club. Et c'est dans un contexte pareil que Fight Club se sublime. Écrit dans le courant des années 90, sortit à l'aube de l'an 2000, dans une époque pleine d'espoirs et de rêves, après une décennie rattrapée par une économie bancale et une société de plus en plus sectaire, Fight Club est un film d'avant-garde qui plongeait le nez dans la merde des gens en leur démontrant par A+B qu'un nouveau millénaire n'était pas synonyme d'épanouissement sociétal façon calinours.
En 2011, Fight Club est presque une évidence. Depuis Fight Club, des tours sont tombées, des gamins démontent la tête d'un pauvre type à coup de marteau pour avoir des clics sur internet, des guerres ont éclaté, et tout le monde sait que c'est pas grave puisque grâce à Roland Emmerich on est au courant qu'une vague de 150m de haut va se charger de remettre les compteurs à zéro l'an prochain.
Bien qu'il soit un personnage de fiction, Tyler Durden est le Kant ou le Nietzsche de la génération entre 20 et 10 avant Justin Bieber. Tyler Durden et sa violence éponyme basée sur aucun jeu d'argent ou de pouvoir, Tyler et son anarchie militarisée de chef de guerre, Tyler et son savon beauté spécial cul graisseux.
Mais prendre Fight Club pour un manifeste délirant adressé au public comme un électrochoc à une époque où il ne pouvait rien y comprendre n'est pas la lecture la plus juste non plus. Ce film est avant tout un objet d'art, et l'art ne se justifie pas.
David Fincher a décidé de faire de son contenu une sorte de prétexte à sa peinture de la société. A la manière d'un Rembrandt dans l'Europe baroque, Fincher peint l'Amérique des années 90 dans le clair obscur d'un néon de station service. Saisissant de détail, le film évoque l'univers du réalisateur sombre et glauque qui s'oppose à l'ordre aseptisé de la société dans un tourbillon où tout fini finalement par se mêler.
Fight Club est un film fort dont la maitrise parfaite du trio d'acteur, du réalisateur et du scénariste permet, aussi délirant et/ou juste que soit son concept d'être le film culte d'une génération élevée à la poussière de béton.
Notation
Réalisation : 10/10
Ah mais que dire? Fincher rend la copie parfaite, à 100% dans son univers et son ambiance. Il pose son rythme, ses angles de caméra, sa lumière, son jeu de contrastes, sa direction des acteurs, toute la force de son symbolisme, et comme une fresque de 3km de long sur 35mm de large, peint la société en 1999 dans son absurdité la plus complète.
Son : 9/10
Fight Club se dote d'une BO très sympathique, collant parfaitement avec l'ambiance du film. "Where is my mind?" sur le générique de fin est un des choix les plus judicieux qu'on pouvait trouver. La voix off du narrateur clamant ses impressions avec détachement et dépit est l'un des atouts majeurs du film pour l'ambiance générale. Excellente bande son.
Scénario : 9/10
Le principal reproche adressé à ce film c'est sa violence gratuite latente. Chaque geste, chaque image du héros ou de Tyler transpire d'une violence crue, celle ci émaillant le scénario comme la peinture d'un mur après des centaines de coups de poing. Mais ce n'est pas "Hug Club" ou "J'suis-triste-viens-m'faire-un-beuzou Club". C'est Fight Club. Lorsqu'on intègre ce paramètre, le scénario devient d'une limpidité et d'une clairvoyance splendide. Il adopte alors une mécanique admirable et c'est un plaisir de la voir se mouvoir, qu'il s'agisse de la première ou de la centième fois.
Interprétation : 10/10
Edward Norton est un génie de la comédie. Qu'un auteur écrive l'être le plus torturé du monde, lui peut l'interpréter. Mais ne croyez pas que Brad Pitt est là pour conter fleurette à ces demoiselles. Si Tyler Durden qu'il campe est un personnage féroce haut en couleurs dans un monde grisâtre et rouillé, Brad Pitt est Tyler Durden. Ce duo aurai pu se suffire à lui même, mais une touche de glamour dépressif et dépravé, en la personne de Helena Bonham Carter ajoute à l'ensemble le coté acidulé d'une femme complexe et sauvage. Même le reste des personnages secondaires tient la route. Pas une ombre à ce tableau là.
Note générale : 10/10
Qu'importe l'adversaire pourvu qu'on ait la mâchoire démise. C'est en substance la morale à tirer de Fight Club. Car à prendre au premier degré, ce film fait l'apologie de la violence, de l'anarchie et du terrorisme. Mais loin d'être le Mein Kampf des années 2000, Fight Club est une satire, une sorte d'état des lieux avec dix ans d'avance sur la société du 3eme millénaire. Un film sombre et brillant. Il y a des films comme ça, au maximum un tous les dix ans qui marquent la décennie à venir, si ce n'est pas le siècle. Fight Club est de ceux là.
"I felt like putting a bullet between the eyes of every panda that wouldn't screw to save its species."
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